Lors de la commission des Finances du Parlement bruxellois de ce lundi 8 juin, j’ai interpellé le Ministre-Président sur le choix et le financement du système de vote.
Si les prochaines élections se tiendront en 2018 (communales) et 2019 (régionales, fédérales et européennes), c’est aujourd’hui que nous devons décider du système de vote qui sera utilisé. Après, il sera trop tard pour que les communes et la Région se projettent financièrement, gérent toute la logistique et communiquent clairement vers le citoyen.
Au regard des conclusions de Bruxelles Pouvoirs Locaux et d’autres acteurs, moyennant certaines adaptations recommandées par le collège d’experts, c’est le système de vote électronique avec ticketing qui semble être privilégié.
Pour les FDF, qui rejoignent en cela la position de l’Association de la Ville et des Communes, si ce système de vote électronique avec ticketing paraît être la solution, la question de son financement est centrale. Ce ne sera en effet pas aux communes à devoir assumer seules.
Selon les projections de l’administration, l’acquisition du nouveau matériel coûterait, pour toute la région bruxelloise, 7 ou 9 millions € selon que l’autorité fédérale intervienne ou pas. L’option de la location s’élèverait quant à elle à 4,8 ou 6 millions €.
Il s’agit de montants conséquents et il est important de se concerter aujourd’hui avec le pouvoir fédéral pour voir vers où on va. Par ailleurs, les différences de coûts entre le vote papier, électronique et électronique avec ticketing sont à première vue conséquentes. Il est nécessaire d’objectiver rapidement les coûts directs et indirects des différents systèmes afin de prendre la décision finale en pleine connaissance de cause.
Deux options sont aujourd’hui en balance : le retour au vote papier ou le développement vote électronique avec ticketing. Un débat et une évaluation des expériences pilotes effectuées dans les communes de Saint-Gilles et Woluwé-Saint-Pierre sont prévus au Parlement au début de la prochaine session. Après cela, il faudra décider, sinon, ce sera trop tard.
Pour les FDF, outre la question du coût du système, ce sont les conditions de transparence qui seront essentielles et déterminantes à notre position finale. Nous ne pouvons pas éluder la question fondamentale de la transparence. C’est essentiel et pour le fonctionnement de notre démocratie, et pour la confiance que le citoyen doit avoir dans le système mis en place.
Interpellation de M. Marc LOEWENSTEIN, Député bruxellois FDF, à M. Rudi VERVOORT, Ministre-Président du Gouvernement bruxellois, chargé des Pouvoirs locaux, de la Politique de la Ville, du Développement territorial, des Monuments et Sites, du Tourisme et des Affaires étudiantes, et à Mme Bianca DEBAETS, Secrétaire d’Etat, chargée de la Coopération au développement, de l’Egalité des Chances, de la Sécurité routière, de l’Informatique et du Bien-être animal.
Concerne : Le choix et le financement du système de vote en vue des scrutins de 2018 et 2019
Le 2 février dernier, mon collègue Serge de Patoul interrogeait le gouvernement sur l’organisation des élections avec le système électronique. Ce fut l’occasion de discuter du système Smartmatic utilisé lors du dernier scrutin par les communes de Saint-Gilles et Woluwé-Saint-Pierre.
En tentant compte des recommandations du collège d’experts, il était alors précisé que ce nouveau dispositif semble avoir tout le potentiel pour devenir un système de vote automatisé convivial et ouvert, tant pour l’électeur que pour le bureau de vote et le bureau de totalisation.
Moyennant quelques adaptations donc et une meilleure formation des présidents et assesseurs des bureaux de vote, de nombreuses voix s’accordent pour dire que ce système de vote électronique accompagné d’une preuve papier est le meilleur système en comparaison à l’actuel système de vote électronique et à l’ancien système du vote papier.
Dans sa réponse, le Ministre-Président indiquait que son administration a fait le nécessaire pour pouvoir trancher la question conformément à la déclaration de politique générale, qui prévoit qu’une étude approfondie sur le changement de système de vote (électronique selon une nouvelle formule ou vote papier) soit entreprise.
Il mettait en avant le taux de satisfaction des communes flamandes par rapport au nouveau système Smartmatic en précisant que la Flandre poursuivra le vote électronique dans les communes et villes qui en sont dotées et que la Wallonie devait prochainement se prononcer.
Entretemps, le parlement wallon a approuvé mercredi dernier une proposition de résolution réclamant au fédéral l’abandon du vote électronique pour les élections européennes, fédérales et régionales. Cet abandon se concrétiserait également au niveau local, géré par la région wallonne elle-même.
Pour ce qui concerne les deux communes bruxelloises qui bénéficient du nouveau matériel informatique, le Ministre-Président indiquait, toujours dans sa réponse à mon collègue Serge de Patoul, que les dernières élections se sont parfaitement déroulées.
Dans sa conclusion, il déclarait enfin qu’il était « prématuré aujourd’hui de décider du mode de vote lors des prochaines élections communales de 2018 » et que « Bruxelles Pouvoirs locaux continue à suivre les développements et améliorations du nouveau système ainsi que des logiciels qui s’y rapportent, en collaboration avec le SPF Intérieur et les représentants des deux autres Régions ».
Si le message était alors à la réflexion sereine sur le système à mettre en œuvre en 2018, c’est néanmoins assez rapidement qu’il va falloir décider du système de vote à mettre en place et évaluer ce que cela va coûter aux différents niveaux de pouvoirs.
Aujourd’hui, 17 communes sur 19 disposent d’un matériel informatique obsolète. Le coût d’investissement pour l’achat d’un matériel à jour est considérable, ceci, sans compter celui du stockage ou encore l’augmentation du nombre d’habitants (et d’électeurs) qui nécessitera davantage de matériel. Dans une commune moyenne, il faut compter près d’un million d’euros pour acheter du nouveau matériel.
Par ailleurs, lorsque l’on étudie l’amortissement des dépenses et le coût du stockage sécurisé actuellement à charge des communes, des pistes alternatives à l’acquisition du matériel, comme le leasing par exemple, doivent être étudiées.
Enfin, si c’est le système de vote électronique avec ticketing qui devait être choisi pour toutes les communes bruxelloises, il est également important d’avoir une vision claire des coûts que cela engendre, tant en terme d’investissement, que d’entretien et d’utilisation.
Dernièrement, le Conseil d’administration de l’Association de la Ville et des Communes de Bruxelles (AVCB) a demandé au Gouvernement bruxellois et à l’Etat fédéral, en concertation avec les communes, « d’organiser sans attendre le scrutin communal d’octobre 2018, scrutin qui sera suivi en mai 2019 d’élections législatives ».
Les élections communales étant organisées par la Région tandis que les régionales, fédérales et européennes, par le SPF Intérieur, une nécessaire concertation entre les communes, la Région et le Fédéral doit se tenir et toute la charge ne pourra pas se reposer in fine uniquement sur les communes.
Gouverner, c’est prévoir. Comme précisé plus haut, l’obsolescence du matériel, mais aussi le problème informatique grave qui s’est posé lors des dernières élections et la comptabilisation d’environ 2000 voix de préférence dans un canton bruxellois, nécessitent une prise de position rapide car, à force de postposer cette décision, les communes n’auraient pas d’autre choix que de revenir au vote papier avec toutes les contraintes que cela comporte.
Si le vote papier présente des avantages en matière de contrôle démocratique, il exigerait d’affecter des locaux supplémentaires pour le dépouillement, les urnes et les isoloirs. Par ailleurs, ce système est plus lent, impose l’ouverture plus tardive des bureaux et un encadrement humain très important (à augmenter en proportion du nombre de scrutins simultanés). Enfin, la procédure papier n’est pas moins protégée à l’encontre de la fraude que l’électronique.
Pour l’AVCB comme pour la majorité des communes, le système à privilégier est celui du vote électronique avec ticket, tel qu’utilisé à Saint-Gilles, Woluwé-Saint-Pierre ainsi qu’en Flandre. De surcroît, les conclusions du Ministre-Président en réponse à mon collègue Serge de Patoul semblent aller dans le même sens.
Cependant, et c’est fondamental dans le positionnement que nous défendons, si ce système Smartmatic est privilégié, ce sera à condition que la Région et le Fédéral interviennent financièrement. Ce ne sera pas aux communes à devoir assumer seules ce renouvellement de matériel et le coût d’élections qui débordent le seul cadre local. Dans le même sens, même avec une aide du Fédéral ou de la Région, il ne faudra pas non plus que ce vote soit totalement hors de prix.
Diverses études sur le sujet vont dans des sens différents. Il est important d’objectiver les conséquences de telle ou telle option. Si j’ai pu entendre d’un côté que le vote électronique avec ticketing coûterait jusqu’à 10euros/électeur, information dont je n’ai pas de confirmation mais qu’il est essentiel d’avoir, je sais aussi que le retour au vote papier aura d’autres conséquences : réaménagement des isoloirs, trop étroits pour pouvoir voter dans de bonnes conditions, augmentation du nombre d’isoloirs et de bureaux de votes pour accueillir les électeurs qui prendront davantage de temps pour voter, augmentation du nombre de présidents et d’assesseurs de bureaux de vote, sans compter que les résultats ne seront connus que plus tard et que, si les bugs informatiques sont possibles, les erreurs ou manœuvres humaines ne le sont pas moins.
Compte tenu de ce qui précède, mes questions seront les suivantes :
- Quel est l’état d’avancement de l’étude approfondie sur le changement de système de vote entamée par Bruxelles Pouvoirs Locaux ?
- Qu’en est-il de la concertation avec le Fédéral, sur le système à privilégier en vue des élections de 2018 et 2019 ?
- Dans quel délai la décision finale quant au système à développer sera prise ?
- Des pistes alternatives à l’acquisition du matériel informatique, comme le leasing, ont-elles été étudiées ?
- Quid du soutien financier accordé aux communes par la Région et le Fédéral ?
- Disposez-vous d’informations comparées sur le coût du vote électronique, du vote électronique avec ticketing et du vote papier ?
- Par ailleurs, il semblerait, selon la presse, que NRB (anciennement Stesud) souhaite se retirer et ne plus soumissionner à l’avenir. Y a-t-il suffisamment de structures capables d’organiser de tels scrutins ?
- Enfin, et c’est une question pratique que les communes se posent, est-ce que vous confirmez que les communes peuvent bien se débarrasser aujourd’hui du matériel jugé obsolète ?
En marge de l’organisation pratique elle-même, la question du contrôle pose question. Mes collègues Emmanuel De Bock, Caroline Persoons et Joëlle Maison ont défendu dernièrement l’idée d’un organe de validation indépendant, impartial et transparent qui exercerait un contrôle juridictionnel sur les élections des députés (avec auditions, voies de recours…). Aujourd’hui, le Parlement se contrôle lui-même et la Cour européenne des Droits de l’Homme le condamne.
Que l’on se dirige au final dans un sens ou dans un autre, que l’on développe le vote électronique avec ticketing ou que l’on revienne au vote papier, il faudra décider rapidement afin d’éviter tout couac futur, que chaque entité puisse se projeter financièrement, que les communes puissent s’organiser au niveau de la logistique et que la communication soit la plus optimale pour les citoyens-électeurs.
On peut finalement résumer le débat à deux questions : à quel prix prendrons-nous la voie du vote électronique avec ticketing ? Ou encore, quel est le coût de notre démocratie ?…
Marc LOEWENSTEIN
Pour découvrir le compte rendu des débats, cliquez ici et choisissez la Commission des Finances du 8/06/2015. Il est disponible quelques jours après la date du débat.