Le RRU (règlement régional d’urbanisme) est en cours de révision. Une belle opportunité pour revoir certains dispositifs liés à l’accessibilité des personnes à mobilité réduite dans l’espace public, les bâtiments publics, commerces et logements. Accessibilité qui nous concerne tous, que ce soit aujourd’hui ou demain…
UNIA et les associations représentatives des personnes handicapées ont émis un certain nombre de recommandations.
Ma question vise à interroger le Gouvernement sur le suivi de ses recommandations.
Interpellation de M. Marc LOEWENSTEIN, Député bruxellois DéFI, à M. Rudi VERVOORT, Ministre-Président en charge des Pouvoirs locaux, du Développement territorial, de la Politique de la Ville, des Monuments et Sites, des Affaires étudiantes, du Tourisme et du Port de Bruxelles
Concerne : La prise en compte de l’accessibilité des personnes à mobilité réduite dans le cadre de la révision du règlement régional d’urbanisme
Monsieur le Ministre-Président,
Les discussions autour de la révision du règlement régional d’urbanisme nous invitent à nous questionner sur l’accessibilité aux personnes en situation de handicap dans et autour des immeubles. Ainsi, UNIA (Centre Interfédéral pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme et la discrimination) a émis un certain nombre de recommandations .
Profitant de la révision du RRU, UNIA a souhaité attirer notre attention sur un ensemble non exhaustif de problèmes qui leurs ont été relayés via des signalements reçus par des personnes en situation de handicap et via ses contacts avec les associations représentatives des personnes handicapées. La révision du RRU doit constituer une opportunité en vue de conformer les prescriptions urbanistiques à la Convention des Nations Unies relatives aux droits des personnes handicapées.
Ainsi, l’article 9 de ladite Convention est libellé comme suit : « Afin de permettre aux personnes handicapées de vivre de façon indépendante et de participer pleinement à tous les aspects de la vie, les États Parties prennent des mesures appropriées pour leur assurer, sur la base de l’égalité avec les autres, l’accès à l’environnement physique, aux transports, à l’information et à la communication, y compris aux systèmes et technologies de l’information et de la communication, et aux autres équipements et services ouverts ou fournis au public, tant dans les zones urbaines que rurales (…) ».
Faut-il rappeler qu’UNIA avait déjà tenu à souligner que l’accessibilité des services publics reste « un problème central » en Belgique. La Belgique a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, en vigueur depuis 2009. Cependant, la transposition des mesures prévues en matière d’accessibilité n’a toujours pas eu lieu. Une évaluation est prévue en 2019 et notre Région devrait réaliser un certain nombre d’efforts en vue de s’y conformer.
En Belgique, 15 % de la population se trouve en situation de handicap et parmi les dossiers ouverts par UNIA en 2014, les signalements de problèmes d’accessibilité sont les plus courants (32 %, soit 122 dossiers en 2014), y compris dans les services publics.
Dans ses recommandations, UNIA demande :
- la révision du champ d’application des prescriptions relatives à l’accessibilité des immeubles dont les locaux sont accessibles au public ; il faut savoir que l’actuel champ d’application ne couvre que les immeubles dont les locaux accessibles au public ont une superficie nette totale d’au moins 200 mètres carrés ;
- les définitions de prescriptions précises d’utilisation et de mise en œuvre des pavés en pierre naturelle ; ces pavés constituent bien trop souvent de véritables obstacles à la mobilité des PMR ;
- la prise en compte de toutes les situations de handicap (auditif, visuel, intellectuel ou psychosocial) par des prescriptions plus détaillées prenant en compte tous les aspects de l’accessibilité universelle, partant, de surcroît, que des ouvrages de référence ont été développés en Région bruxelloise ;
- le contrôle accru de la conformité des bâtiments aux prescriptions urbanistiques et leurs éventuelles sanctions en cas de non-respect ;
- la consultation régulière des organisations représentatives des personnes handicapées, et ce conformément à l’article 4§3 de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées ;
- la mise en place d’un plan régional de mise en accessibilité progressive du bâti existant ; les prescriptions actuelles ne s’appliquant qu’au bâtiment neuf ou à rénover.
Bien évidemment, vous me direz sans doute que si le RRU fixe aujourd’hui un seuil à 200 mètres carrés, c’est qu’il y a une raison. Vous me direz aussi sans doute que nous sommes soumis à de nombreuses contraintes, je pense notamment aux exigences des Monuments et Sites pour les bâtiments classés, et le dossier de la rénovation de l’Hôtel communal de Forest que je connais bien en est un bel exemple. Les prescriptions du RRU ne sont néanmoins aujourd’hui pas suffisantes, et j’espère donc que, à tout le moins, ces recommandations auront été prises en considération dans le cadre de cette réforme.
Par ailleurs, au-delà des recommandations d’UNIA, d’autres pistes existent en vue d’améliorer la mobilité des personnes présentant un handicap.
La sensibilisation à la situation des personnes handicapées représente par exemple un réel enjeu. L’accessibilité des personnes handicapées dépend de la qualité d’usage des bâtiments et espaces visités. Non seulement, les communes mais aussi la Région, au travers de leurs services d’urbanisme, doivent y être sensibles, ainsi que les promoteurs et les architectes. En outre, en qualité de maître d’ouvrage, les communes et la Région sont des partenaires clés dans le développement accessible aux personnes handicapées d’espaces et de bâtiments ouverts au public. Au-delà des normes en vigueur, un signal pourrait être lancé par les autorités publiques via les critères de sélection fixés dans les marchés publics.
Par ailleurs, Monsieur le Ministre-Président, aujourd’hui le RRU prévoit uniquement l’application des règles en matière d’accessibilité aux PMR pour ce qui concerne les parties communes d’immeubles à logements multiples équipés d’ascenseur, jusque et y compris la porte d’entrée des logements. Dans le cas d’une construction neuve, dépourvue d’ascenseur, la réglementation s’applique aux parties communes, y compris les portes d’entrée de chaque logement du rez-de-chaussée . Le paradoxe étant que bien que l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite soit garantie dans les espaces communs, les parties privatives ne sont quant à elles soumises à aucune obligation d’accessibilité, ce qui d’évidence constituera tôt ou tard un motif de découragement pour la personne à mobilité réduite et/ou entravera significativement ses déplacements.
Au-delà de la question du logement accessible, il y a celle de la réalisation de logements « adaptables » lesquels tiennent compte dès leurs conceptions du fait que les occupants ainsi que leurs besoins évoluent avec le temps et que l’on est tous susceptible de devenir un jour une PMR. Il concerne tout le monde et pas uniquement les seniors ou les personnes en situation de handicap.
Compte tenu de ce qui précède, Monsieur le Ministre-Président, les questions suivantes seront développées :
– Qu’en est-il de la situation en Région bruxelloise en termes d’accessibilité tant pour les bâtiments publics que privé ? Combien de plaintes sont déposées et répertoriées au sein de l’administration ? Quelles sont les initiatives et les actions menées en vue d’améliorer l’accessibilité et la mobilité dans et autour des bâtiments publics ? Qui contrôle aujourd’hui le respect des conditions reprises au titre IV du RRU dans le cadre d’un permis régional ? Qui décide des dérogations ? Quelles sont les justifications acceptables ?
– Le Gouvernement a-t-il pris connaissance des recommandations portées par UNIA dans le cadre de la révision du règlement régional d’urbanisme ? Dans l’affirmative, quel est le suivi qui a été donné à chacune de ces recommandations ? Quelles sont les initiatives supplémentaires que vous avez prises et que vous prévoyez de prendre en vue de conformer davantage les prescriptions urbanistiques à la Convention des Nations Unies relatives aux droits des personnes handicapées ? Des groupes de travail, des concertations sont-ils organisées ? Dans l’affirmative, avec qui et à quel rythme ?
– Quelles sont les mesures que vous prévoyez de prendre en vue de renforcer la sensibilisation aux règles d’accessibilité aux PMR à l’attention des professionnels de la construction ainsi que des communes et de l’administration régionale ? Quid par ailleurs de conditions spécifiques à reprendre dans les cahiers des charges des marchés publics ?
– Quelles sont les mesures que vous prévoyez, notamment dans le cadre de la réforme du RRU, en vue renforcer les obligations qui viseraient à rendre les nouvelles constructions accueillant des logements pas seulement accessibles mais aussi adaptables (possibilité d’intégrer des rampes, des barres d’appui, etc.) ? Certains pouvoirs publics imposent des conditions en termes de pourcentages de logements accessibles et adaptables dans les logements publics, voir privés. C’est le cas notamment au Canada, plus précisément par exemple en Ontario, quid à Bruxelles ?
– Quel est par ailleurs l’agenda de la révision du RRU ? Un projet de texte est-il déjà sur la table ? Une concertation a-t-elle été organisée avec le secteur des personnes handicapées ? Si oui, quelles sont les associations qui y ont participé ?
– Enfin, une des recommandations attire particulièrement notre attention, à savoir la réalisation d’un plan régional de mise en accessibilité du bâti existant ? Quelle est la position du Gouvernement sur ce point ?
Marc LOEWENSTEIN
Pour découvrir le compte rendu des débats, cliquez ici et choisissez la Commission du Développement territorial du 15/2/2017. Il est disponible quelques jours après la date du débat.
Photo : http://handicap-physique.e-monsite.com