Le budget mobilité pour l’année 2021

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Chaque fin d’année, les ministres présentent leur budget, et donc leurs projets, pour l’année à venir.

J’ai eu l’occasion d’intervenir et d’aborder différents enjeux : les nouveaux aménagements urbains et les nécessaires objectivations, concertations et évaluations, la sécurité routière, la réfection des voiries, l’accessibilité pour tous, le développement des transports publics, dont le métro, la rénovation des tunnels, la mutualisation du stationnement hors voirie, la qualité du service aux usagers, la prime Bruxelle’Air ou encore la gestion du stationnement en voirie.

Intervention de M. Marc LOEWENSTEIN – Commission Mobilité – 24/11/2020

Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de faire de Bruxelles une région à la mobilité apaisée. C’est important pour la qualité de vie des habitants, mais aussi celle des navetteurs. C’est également important pour l’économie bruxelloise.

L’année 2020 est certes une année particulière. Il nous faut néanmoins tirer les leçons des différents dossiers qui font l’actualité de ces derniers mois, je pense à la circulation dans le Bois de la Cambre, mais aussi au 40km de pistes cyclables développées pendant la période Covid et les quelques incidents que nous avons connus et qui ne sont pas encore clôturés au niveau notamment des avenues de Tervuren, Sylvain Dupuis ou encore Delleur.

Si nous sommes d’accord sur les objectifs, la région semble encore pêcher par sa méthode. Pour DéFI, il est essentiel de travailler en toute transparence et objectivité.

Pour éviter les tensions malheureuses entre automobilistes et cyclistes/piétons ou entre les riverains de divers quartiers, pour faire adhérer un maximum d’usagers aux mesures visant à apaiser la mobilité, à améliorer la qualité de vie et la qualité de l’air, les aménagements de mobilité doivent être développés sur la base de données objectives – je pense notamment aux comptages de flux et mesures de qualité de l’air –, et après une réelle concertation. Ils doivent ensuite être évalués, évaluation d’ailleurs bien prévue en page 79 de votre lettre d’orientation. Et lorsque ces comptages sont analysés, il faut bien évidemment prendre en considération la période Covid pendant laquelle les déplacements sont bien moins nombreux qu’en période de routine.

C’est selon nous de cette manière que l’on créera davantage d’adhésion, qu’on rétablira la confiance entre le politique et les citoyens, qu’on aboutira à une région apaisée avec des citoyens apaisés.

Il est par ailleurs un fait que les embouteillages coûtent à la société, aux entreprises et aux habitants. Nous continuons à soutenir un passage d’une fiscalité automobile à la possession à une fiscalité à l’usage. Comme répété il y a quelques semaines, nous sommes bien favorables à une taxation kilométrique intelligente concertée avec les 2 autres régions et avec le monde économique, nous sommes bien favorables à un système qui ne pénalise pas les Bruxellois faisant un usage modéré de leur voiture personnelle, nous sommes enfin favorables à un système juste et efficace qui ne crée pas de charges disproportionnées pour Bruxelles. Un montant de 93 millions € est repris en mission 31, il ne s’agit pas d’une mission que nous traitons ici, mais il me semblait néanmoins important d’évoquer ce projet, de rappeler notre position, ici, en commission mobilité, en introduction de mon intervention.

J’en viens maintenant aux divers axes de la politique de la mobilité repris dans votre lettre d’orientation :

VILLE APAISEE

Ville 30 : Nous sommes à la fin du mois de novembre, la Ville 30 sera effective à partir du 1/1/21. En termes de communication, des actions sont menées. Néanmoins, s’il est évident qu’on ne pourra pas convaincre toute le monde, on constate encore un rejet de cette ville 30 chez certains. Or, si l’on est un peu pédagogue, on peut en expliquer les avantages et créer plus d’adhésion. Il y a suffisamment de bons arguments pour défendre le projet. Il faut à notre sens mieux les mettre en avant. En termes de monitoring : l’évaluation devra être continue, c’est essentiel lorsque l’on développe des (nouvelles) politiques. Je voulais savoir ce qui était prévu à ce niveau. Si l’impact de la réduction de la vitesse sur la sécurité routière est évident, il nous paraît utile, dans le cadre de ce monitoring, de veiller à mesurer la qualité de l’air. J’aimerais savoir ce que vous prévoyez en ce sens avec votre collègue ministre de l’environnement.

Dans votre partie « Ville apaisée », vous prévoyez le lancement en 2020 des études de circulation pour la mise en œuvre de l’apaisement des quartiers :Où en est-on ? Quels quartiers sont visés actuellement par ces études ? Quelle est la méthodologie utilisée pour réaliser ces études de circulation ? Quelles sont plus particulièrement les actions menées pour mesurer et prévenir les reports de charges ?

Une Ville est aussi apaisée grâce à la réduction du stationnement en voirie. Pour DéFI, il est important de compenser cette suppression hors voirie et donner une possibilité aux riverains de trouver une place de stationnement en rentrant chez eux. L’une des pistes à travailler est la mutualisation des places hors voiries appartenant notamment aux entreprises et aux pouvoirs publics, je pense en particulier aux parkings inoccupés dans les logements sociaux mais pas que. Alors certes le COBRACE prévoit parmi les options offertes aux entreprises la mise à disposition des riverains des places de parking excédentaires, mais bon nombre d’entreprises préfèrent toujours payer la taxe plutôt que de mutualiser. Quelles actions concrètes sont menées pour davantage mutualiser le stationnement libre hors voirie ? Le site Parksharing.brussels est désormais en ligne. Il n’y a pas beaucoup de publicité qui en est faite. Pourriez-vous me préciser depuis quand ce site est en ligne ?Pourriez-vous m’informer du nombre de personnes intéressées par une mise à disposition de leur parking qui a sollicité l’Agence de stationnement pour réaliser une étude de faisabilité ? Combien de parking ont, grâce à ce site, été mutualisés jusqu’à présent ? Où en sont les partenariats avec les acteurs privés ? Comment se passe la collaboration avec BePark citée dans votre Lettre d’orientation ?

La sécurisation et l’accessibilité des voiries et des espaces publics : La résolution bien sûr des points noirs, des ZACA, constitue toujours un enjeu important. Nous serons par ailleurs très attentifs à la mise en place du plan d’action régional de sécurité routière 2021-2030, aux actions menées en termes de sensibilisation, de répression, mais aussi bien sûr d’aménagements publics sécurisés.

Et, au-delà des grands travaux d’investissement et de rénovation de voiries que l’on retrouve à la mission 19, il y a le nécessaire entretien au quotidien, le suivi de FixMyStreet, le suivi des incidents en matière d’éclairage public, de signalisation, de nids de poule, de trottoirs ou de pistes cyclables en mauvais état, etc. Si l’on veut encourager les modes de déplacements tels que la marche ou le vélo, il faut des pistes cyclables praticables et sécurisées, il faut des trottoirs en bon état, il faut adapter certaines traversées piétonnes, il faut poursuivre la mise en œuvre des PAVE et assurer la chaine de l’accessibilité, l’accessibilité de tous à l’espace public.

En termes de sécurité routière, je reviens encore une fois, même si ça ne plait pas à tout le monde et que je vais sans doute à nouveau recevoir une volée de bois vert, sur l’importance protéger les plus vulnérables et de rendre obligatoire le port du casque pour les cyclistes de moins de 14 ans. Et j’en terminerai pour ce qui concerne la sécurité routière avec une question portant sur les feux de signalisation : est-ce que vous avez étudié la mise en place de feu à 3 phases afin d’éviter les conflits aux carrefours ? Si oui, quelles sont les conclusions qui ont été tirées ? Si non, prévoyez-vous de le faire ?

Tunnels : Je note la poursuite du plan pluriannuel d’investissement pour les tunnels et salue les engagements du Gouvernement pour poursuivre ces rénovations bien nécessaires. Je rappelle ici que si notre déclaration de politique régionale vise à améliorer la qualité de vie en ville à transformer les autoroutes, les entrées de ville en boulevards urbains, à revoir certains aménagements comme cela a été le cas pour le viaduc Reyers ou comme c’est pressenti pour le viaduc Hermann-Debroux, il ne faut pas avoir de tabou dans l’autre sens. Je pense notamment au complexe de tunnel sous la place Louise et aux bretelles manquantes pour aller de la Porte de Hal vers le Bois de la Cambre et inversement. Mettre en place ces bretelles, principalement celle allant vers Louise, permettrait d’apaiser le goulet Louise et d’y prévoir un aménagement qualitatif et une meilleure répartition des espaces entre les piétons, les cyclistes et les transports publiques.

DEVELOPPEMENT DES TRANSPORTS PUBLICS

En 2021, le déploiement de plan directeur bus se poursuivra. Idem pour les chantiers du métro Nord-Albert. C’est important pour nous que le projet se poursuive bien. Je note par ailleurs qu’en 2020, l’étude sur l’extension du métro vers l’ouest a été finalisée et qu’en 2021, une étude d’opportunité sur le développement du réseau vers le sud sera lancée. Pourriez-vous m’en dire plus sur ces études ? Quelles sont les conclusions de l’étude pour l’extension du métro vers l’ouest ?

Au niveau des finances de la STIB, j’ai eu l’occasion de vous interroger en septembre sur les perspectives financières, sur la nécessité de faire des choix, des économies. J’avais notamment pointé l’évolution suite à la crise du Covid, l’impact du télétravail, la diminution probable du nombre d’abonnements pour 2021, le fait qu’il faudra financer plus pour moins de voyageurs sur le réseau.

Aujourd’hui, on note dans le budget une augmentation de la dotation de fonctionnement de la STIB de + de 66millions € passant de 397.780.000€ à 464.244.000€. A la lecture du budget, cette dotation augmenterait notamment suite à l’intégration de quelques 60 millions € portant sur l’intervention dans les tarifs préférentiels qui se trouvait dans un AB séparé en 2020.

On peut par ailleurs pointer le fait qu’une certaine gratuité verrait le jour dès septembre 2021 pour certains jeunes âgés de moins de 25 ans, qu’un budget de 3,3millions € est prévu pour la fin de l’année 2021, qu’il n’y a pas encore d’accord sur qui en seraient les bénéficiaires, mais que ce seraient probablement les 12-18 ans (pour lesquels l’abonnement scolaire est aujourd’hui à 50€/an et gratuit pour le 3ème enfant) et les étudiants entre 18-24 ans (qui ne paient aussi aujourd’hui que 50€/an, soit 4€/mois). Par contre, pour les 18-24 ans qui paient le prix plein, 499€, rien ne changerait. Ceci, alors que vous précisiez lors de ma question sur les perspectives financières de la STIB que le Covid avait déjà coûté en septembre environ 118 millions € et que la situation pourrait empirer.

Si nous sommes des partenaires loyaux, au vu de la situation financière, nous ne sommes vraiment pas convaincus par cette gratuité de la STIB qui coutera au moins 10 millions €/an et qui ne sera finalement qu’anecdotique et très symbolique pour les bénéficiaires. Pour rappel, leurs bénéficiaires ne paient aujourd’hui que 4€/mois. Cette gratuité n’est selon nous pas la priorité en cette période de crise… Soit…

AMELIORER LA QUALITE DU SERVICE AUX USAGERS

Avec Jump+, l’intégration tarifaire progresse mais nous n’en sommes pas encore à l’interopérabilité. Un projet pilote MaaS est en cours, c’est une bonne chose, c’est attendu. Il serait d’ailleurs bien d’avoir une présentation de ce projet en commission. Entretemps, plusieurs questions me viennent : Quels sont les acteurs qui participent à ce projet pilote ? Quels sont les premiers enseignements que vous en tirez ?

J’ai, et je l’ai rappelé en commission il y a 2 semaines, un petit regret que les services PMR n’y soient pas intégrés. C’est un mauvais départ au regard du « Plan stratégique de mise en accessibilité concrète du réseau de transport public » annexé au contrat de gestion de la STIB. Cela démontre que malgré la sensibilisation, malgré les formations à l’attention du personnel, le reflexe accessibilité n’est pas encore acquis. Il faut continuer à taper sur le clou tant que la prise en compte des PMR ne sera pas automatique.

CHANGER LES COMPORTEMENTS

Dans le cadre de votre volonté de changer les comportements et encourager à moins recourir à la voiture, outre les actions que le Gouvernement compte mener en termes de stationnement ou de fiscalité automobile à propos desquelles nous aurons certainement encore l’occasion de débattre, vous avez annoncé déjà l’an dernier vouloir réformer la prime Bruxell’Air.

J’ai déjà eu l’occasion d’intervenir sur le sujet et de proposer d’intégrer aux services couverts par cette prime la mobilité partagée. Peuvent également y être intégrés les services taxis. Enfin, si l’on veut favoriser la multimodalité et que nous souhaitons que davantage d’automobilistes abandonnent davantage leur véhicule privé, il ne faudrait pas limiter l’octroi de cette prime aux seuls automobilistes qui remettent leurs plaques ou détruisent leur véhicule. Elle doit être davantage accessible qu’elle ne l’est aujourd’hui, quitte bien entendu, à ce que la prime soit différente selon qu’on dispose ou pas d’une voiture privée.

Je vois que le montant repris pour la prime Bruxell’Air en 2021 est le même qu’en 2020, soit 750.000€. Est-ce à dire que rien ne changera pour 2021 et que les modalités d’octroi resteront les mêmes ? Par ailleurs, j’aurais aimé savoir comment est-ce que vous comptez favoriser le recours à la micromobilité, à la mobilité partagée. Les trajets peuvent paraître chers pour certains publics. Serait-il envisageable de prévoir une intervention régionale par trajet en vélo électrique, trottinette ou voiture partagée ? Une évaluation de ce type d’intervention a-t-elle déjà été réalisée par Bruxelles Mobilité ? Il serait à mon sens intéressant d’explorer cette piste.

PARKING.BRUSSELS

Outre la dotation de fonctionnement de 4.466.000€ pour 2021, un prêt remboursable de 5.000.000€ est prévu pour 2021 comme pour 2020… Il est à noter par ailleurs que la dotation de fonctionnement 2020 a quasi doublé entre l’initial et l’ajusté : 4.023.000€ à 7.087.000€ (alors qu’on était à 3 millions en 2019): il est précisé que c’est notamment pour permettre à l’Agence de disposer de la trésorerie nécessaire pour fonctionner compte tenu du retard dans les paiements venant de certaines communes !

Compte tenu de cette évolution en 2020, peut-on s’attendre à ce que cette dotation 2021 soit rapidement revue à la hausse ? Si vous avez précisé dans votre exposé général que Parking.brussels remplit d’autres missions que le seul contrôle du stationnement pour une partie des communes bruxelloises, et que dès lors les recettes du stationnement ne suffisent pas à financer l’ensemble de ses missions, la motivation du prêt remboursable en 2020 et 2021 est la même, répondre au souci de trésorerie… Cela ne peut pas continuer ainsi. On a l’impression que c’est un gouffre sans fond. Quelles sont les modalités de remboursement du prêt de la Région à l’Agence ? Comment l’Agence prévoit-elle de rembourser ? A quelle échéance ? Comment sortir de cette impasse ? Je vous interrogeais déjà l’an dernier sur le sujet et la situation est pire aujourd’hui qu’hier !

Enfin, la Cour des comptes a à nouveau pointé la gestion financière de Parking.brussels dans un récent rapport. Une demande d’explication a été introduite par mon collègue Christophe Magdalijns. Il me semblerait utile d’entendre dans les prochaines semaines Parking.brussels au sein de notre commission.

CONCLUSION

Pour conclure mon intervention, nous analysons ici le budget, les moyens mis à disposition pour développer nos projets. Mais pour mettre en œuvre ces projets, pour faire tourner la maison Bruxelles Mobilité, il faut un personnel bien organisé, bien formé et en suffisance. Un audit du personnel de Bruxelles mobilité a été présenté au Parlement il y a maintenant presque 4 ans. Des engagements prioritaires, une réorganisation étaient prévus. Des équipes ont depuis lors été renforcées. J’aurais voulu savoir, et ce sera ma dernière question, quelles sont les étapes à venir dans les suites apportées à cet audit ? Quels ont été les engagements en personnel réalisés en 2020 et quels sont les engagements prévus en 2021, et pour quels services ?

Aborder en dernier point nos ressources humaines, c’est l’occasion de remercier le personnel régional bruxellois, le personnel de Bruxelles Mobilité, de Parking.brussels, de la STIB – qu’il soit en télétravail, au bureau ou sur le terrain – pour son travail au service des Bruxellois et de ses visiteurs, particulièrement en cette période tout à fait particulière de pandémie. Merci à eux.

Marc Loewenstein

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