Le groupe DéFI s’est exprimé par ma voix en commission lors des conclusions des « Assises contre le Racisme » organisées par le Parlement bruxellois. L’occasion de rappeler certains principes essentiels si l’on veut lutter avec force et conviction contre toutes les formes de racismes et de discriminations, contre la xénophobie et contre l’antisémitisme.
Intervention de Marc Loewenstein, Député DéFI, en commission de l’Egalité des Chances
Madame la Présidente, Chers collègues,
C’est aujourd’hui donc que nous clôturons les discussions liées aux Assises contre le racisme menées au sein de ce Parlement, en tous les cas au niveau de notre Commission. J’aimerais remercier le Président pour l’initiative, les associations, les membres du groupe de travail et les rapporteurs des différentes commissions et les trois rapporteuses de cette commission pour leurs implications respectives dans le processus.
Cet exercice est une première et a exigé de la dextérité dans sa concrétisation. Tant dans le choix des intervenants que dans la rédaction des recommandations, rien ne fut aisé. Pour le moins, je me réjouis que nous ayons enfin abouti et que nous puissions prendre acte desdites recommandations, même si, je tiens à le rappeler, elles ne résultent d’aucun accord formel sur chacune d’elles ou sur la globalité, et cela se comprend tant certaines sont en contradiction les unes avec les autres.
Pour mon groupe DéFI, il était particulièrement important que les différents panels aient été organisés dans le respect d’un cadre pluraliste, avec une réelle diversité d’opinions.
Alors que le Covid nous frappe de plein fouet depuis bientôt 2 ans, ces Assises ont permis aux politiques et à la société civile de se consacrer pleinement à ces questions essentielles, mais aussi très exigeantes. Nous savons aussi que la pandémie a agi comme une loupe. Les personnes qui étaient déjà en situation de vulnérabilité, qui étaient déjà ciblées, ont souvent été les premières ou les plus durement touchées par cette crise sanitaire, sociale et financière ; mais aussi par les théories du complot qui en découlent.
Comme rappelé par le CCLJ, lorsqu’il s’agit de combattre le racisme, les mots sont des alliés précieux. Encore faut-il que leur définition soit connue, reconnue et acceptée par tous.
Pour mon groupe, on ne peut lutter de façon effective contre le racisme si nous utilisons en fonction de nos affinités des mots ou expressions différentes.
Les mots ont un poids et chaque terme utilisé dans le discours anti-raciste doit l’être avec rigueur.
Aussi, je me réjouis que la problématique de l’antisémitisme, quelque peu malmenée en amont de ces Assises, fut finalement mise en avant. Néanmoins, je constate qu’encore trop souvent, hormis les juifs, peu de personne s’intéresse à l’antisémitisme. On voit bien que certaines associations anti-racistes mentionnent l’antisémitisme, mais le constat, les recherches et l’intérêt s’arrêtent bien souvent là. Et j’ose dire « s’arrêtait » en espérant que cela change. A défaut, on inflige une double peine à ses victimes. Comme disait Camus, “mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde”.
Aujourd’hui, je constate qu’on cherche parfois à faire une concurrence des victimes : “qui souffre le plus ? Les noirs, les arabes, les juifs ?”. Ce serait être aveugle que de nier que nous connaissons, à bien des égards, une polarisation extrême de la société. Dans un certain discours anti-raciste, cela se traduit de la sorte : d’un côté nous aurions les blancs, dominants suprêmes et d’un autre, les non-blancs ou, terme de plus en plus utilisé par les associations anti-racistes et que je ne m’approprie aucunement, “racisés”. Ces groupes ne sont définis que par opposition, et non pas de manière concrète. Que signifie être blanc ? S’agirait-il uniquement d’une question de taux de mélanine ? Il suffirait donc d’être blanc pour échapper à la racisation[1] ?
Je suis profondément interpellé par cette binarité et ce simplisme à l’extrême que l’on entend de plus en plus fréquemment. Mon groupe ne se reconnait pas dans cette vision des choses et ne se reconnaîtra jamais dedans. Ces réflexions, qui ne fédèrent en rien, mettent à mal notre souhait d’une société apaisée.
Chaque victime de racisme et de discrimination, quel qu’en soit l’origine, est une victime de trop. Elle doit être soutenue, son auteur poursuivi, ses sources et causes combattues.
Enfin, nous avons décidé de reprendre telles qu’elles les recommandations de la société civile afin de ne pas les vider de leur substance. Nous servons donc de relais, nous ne tranchons pas. C’est à la fois une bonne et une mauvaise chose. Il aurait en tous les cas été compliqué d’en faire autrement.
D’après le retour que j’ai eu de la dernière réunion qui s’est tenue la semaine passée, certaines recommandations étaient problématiques. Je pense notamment à celle-ci, qui a profondément blessé ma collègue Nicole Bomele. Je cite : “mettre en valeur des jeunes Afrodescendants vivant en Belgique afin de leur permettre de lutter contre leurs complexes d’infériorité ”. Nous ne pouvons nous permettre, au nom de la lutte contre le racisme, d’essentialiser à ce point les gens. Comme si toutes les personnes d’un groupe étaient identiques et étaient mues par les mêmes appréhensions et sentiments. Je caricature un peu le trait mais c’est parfois l’impression que l’on peut avoir quand on écoute certains discours. C’est totalement stigmatisant et même si cette recommandation a été supprimée, elle doit interpeller à plus large échelle et il me semblait utile de le rappeler.
Pour conclure, nous devons être vigilants et ne jamais perdre de vue que notre but commun, à toutes et à tous, c’est la construction de notre vivre ensemble, dans une société sans racisme, sans antisémitisme, et sans haine ou violences au sens large. Pour ce faire, c’est en construisant des ponts entre les gens, et non en les séparant, que l’on y parviendra.
Marc Loewenstein
Pour découvrir le compte rendu des débats, cliquez ici et choisissez la Commission de l’Egalité des Chances du 18/1/2022. Il est disponible quelques jours après la date du débat.
[1] Alejo Steimberg, Le retour de la race dans les nouveaux discours antiracistes, 2021, p.15.