Ce vendredi, j’ai eu l’occasion de défendre une belle proposition issue du Plan de relance bruxellois.
Elle vise à octroyer pour la rentrée des classes, automatiquement, via les allocations familiales, une prime de 100euros à toutes les familles bénéficiant de suppléments sociaux.
Elle a été adoptée à la quasi unanimité.
Intervention lors de la séance plénière
PROPOSITION D’ORDONNANCE relative à l’octroi unique d’une majoration des montants des suppléments sociaux accordés sur la base de l’ordonnance du 25 avril 2019 réglant l’octroi des prestations familiales, dans le cadre de la crise du Covid-19 (doc. B-39)
Je ne dois rappeler à personne à quel point la crise liée à la pandémie du COVID19 a impacté la population bruxelloise. Au sein de cette population, il y a lieu d’avoir une attention particulière à l’égard des enfants. De nombreuses études ont montré que les enfants sont les premières victimes de la précarité économique.
De nombreuses familles ont vu leurs revenus baisser par perte d’emploi ou mise en chômage temporaire, mais ont également vu leurs dépenses augmenter en raison de la scolarité à distance de leurs enfants. On peut citer les frais nécessaires à la connexion électronique à l’école mais aussi, par la suppression de l’école physique, l’absence de cantine scolaire, gratuite dans certains cas.
Une manière simple et directe d’aider les familles peut être trouvée dans le nouveau système d’allocations familiales.
Ce système a démontré qu’il était un outil efficace de lutte contre la pauvreté. L’étude réalisée par Brussels Studies a conclu notamment que le modèle bruxellois, à savoir un montant de base équilibré et des suppléments sociaux gradués en fonction des revenus des familles, présente un bon niveau de juste répartition des budgets et un impact positif sur la pauvreté.
Comme rappelé dans le titre de cette proposition mais également dans le rapport de commission, cette proposition d’ordonnance vise donc à octroyer une prime unique de 100€ en majoration des montants des suppléments sociaux d’allocation familiale et aider ainsi les familles les plus fragiles dans le cadre de la crise du COVID 19.
Cette mesure s’appliquerait à environ 200.000 enfants, sur les quelques 350.000 enfants qui sont domiciliés en Région bruxelloise. Au niveau des ménages, 62% des ménages bruxellois percevant des allocations familiales sont couverts par la prime. Cela concerne 105.000 familles sur les 167.000 qui perçoivent des allocations familiales.
Ce chiffre de 200.000 enfants couvre non seulement les situations existantes de familles bénéficiant de suppléments sociaux et percevant des revenus inférieurs à 31.000 ou 45.000€, ou bénéficiant des droits acquis, mais aussi les familles impactées par la crise qui tomberaient sous le seuil de 45.000€ et qui se verraient régularisées soit en prenant l’initiative de contacter leur caisse de paiement, soit en 2021, voir en 2022 lorsque leur fiche fiscale 2020 sera portée à la connaissance de l’administration.
Aucune famille entrant dans les conditions de revenus et de l’ordonnance de 2019 ne sera oubliée. C’est important de le préciser car on ne veut en aucun cas créer de discrimination entre les familles déjà dans les conditions de revenus et celles qui, frappées par la crise, ne pourront fournir les informations sur leurs revenus 2020 que plus tard.
Je précise cela ici parce que, cette mesure faisant partie du Plan de relance, on pourrait s’interroger sur la raison d’une présentation d’un texte par le Parlement et pas par le Gouvernement.
Tout d’abord, si nous passons par la voie parlementaire, c’est pour aller vite, pour fixer une entrée en vigueur au 1er aout 2020 et permettre un paiement en septembre pour la rentrée des classes.
Un projet du Gouvernement aurait certes nécessité un passage devant les instances consultatives, j’y suis sensible, et j’aimerais rassurer les parlementaires sur ce point.
Je vous informe que le Conseil de gestion des prestations familiales d’Iriscare, qui regroupe toutes les caisses, a été consulté le jeudi 9 juillet dernier et la proposition y a été favorablement accueillie.
Quant à l’avis du Conseil d’Etat, même si personne ne m’a interrogé sur ce point je pense utile de préciser que le texte ici (un article) est purement technique. Le Conseil d’Etat s’est déjà prononcé favorablement sur l’ordonnance du 25 avril 2019 réglant l’octroi des prestations familiales et sur les catégories d’enfants et de familles. Il n’a pas soulevé de discrimination due aux suppléments sociaux, cette différence ayant été jugée proportionnée par rapport à l’objectif de réduire la pauvreté. Ici on ne fait donc que modifier un montant à la hausse. Nous ne prenons ici aucun risque à ce niveau.
Enfin, le parlement a octroyé les pouvoirs spéciaux au Gouvernement pour la gestion aigue de la crise, je trouve positif que le pouvoir revienne au Parlement et aux Parlementaires.
J’aimerais aborder encore deux points soulevés en commission par mes collègues et qu’il me semble utile de réaborder en séance plénière.
Quid tout d’abord de la prise en compte des enfants en situation de handicap ?
Je l’ai dit en commission et le répète ici, je suis bien conscient que des familles qui ont à leur charge un enfant handicapé, quand bien même elles gagneraient plus de 45.000€ par an, pourraient tomber sous ces 45.000€ si l’on déduit les frais liés à la prise en charge de l’enfant handicapé.
Le critère pris en compte pour l’octroi de la prime est le critère économique, des revenus. C’est par ailleurs le critère qui a été validé par le Conseil d’Etat dans son avis sur l’ordonnance de 2019. S’aventurer ici à sortir du dispositif validé par le Conseil d’Etat et créer de nouvelles catégories nous ferait prendre le risque de créer de l’insécurité juridique.
Les familles ayant à charge des personnes en situation de handicap entrent dans des catégories de revenus variés. Il y a celles qui sont sous les 45.000€ annuels : elles bénéficient donc de la prime unique, il y a aussi celles qui sont un peu au-dessus ou encore celles qui n’ont aucun soucis financier.
Par ailleurs, et c’est important de le rappeler, des suppléments « handicap » sont prévus en plus du montant de base des allocations familiales et, le cas échéant, en plus des suppléments sociaux. Ces suppléments « handicap » vont de 80 à 560€ en fonction du taux de handicap. Selon nous, les familles ayant à charge des enfants en situation de handicap ne sont pas laissées pour compte.
Enfin, un dernier point à aborder est celui du choix du mécanisme : Pourquoi ne pas avoir copié la prime flamande qui n’octroie un montant supplémentaire qu’aux familles qui démontrent qu’elles ont eu une perte économique ?
Parce que nous voulions un mécanisme directe, rapide et automatique.
Parce qu’il ne nous semblait pas opportun de demander aux familles impactées par la crise de faire une démarche administrative supplémentaire pour obtenir 100€.
Parce que les familles n’auraient peut-être pas été en mesure de démontrer rapidement une perte de revenus, je pense notamment aux indépendants.
Parce que les études de l’Observatoire du social et de la santé recommandent de faire des mesures sociales automatiques afin de lutter contre le non-recours aux droits sociaux qui frappent les familles les plus pauvres.
Parce que ce n’était pas cohérent avec le système d’allocations familiales et cela aurait nécessité un dispositif juridique plus compliqué et une logistique humaine plus importante. Ici le montant s’ajoute à un dispositif administratif et de paiement existant au sein des caisses de paiement.
Et, enfin, parce qu’on peut raisonnablement penser, même si d’autres ménages ou personnes isolées subissent la crise, et il ne faut pas les oublier, que ce sont les familles dont les revenus sont les moins élevés qui ont le plus souffert de la crise économique.