Télétravail, peur de la contamination et soucis de ne pas engorger les transports publics, les voyageurs qui le peuvent travaillerons désormais davantage de chez eux ou se tourneront vers le transport individuel.
Sur le moyen terme, le transport public va demander donc plus de moyens, de budget pour transporter moins de voyageurs.
Cette situation paradoxale sera difficilement tenable dans un environnement post corona où tous les secteurs auront besoin de soutien des pouvoirs publics.
Il y aura alors les choix tranchés entre laisser en quelque sorte couler le transport public ou le financer massivement en sacrifiant d’autres secteurs. Ou alors une troisième voie qui est celle des économies par une gestion plus efficace.
Demande d’explication de M. Marc LOEWENSTEIN, Député bruxellois DéFI, à Mme Elke VAN DEN BRANDT, Ministre, chargée des Travaux publics, de la Mobilité et de la Sécurité routière.
Concerne : L’avenir de la STIB au regard des perspectives financières post-Covid
En mobilité, le monde ne sera probablement plus comme avant le Covid-19. C’est ce qui ressort notamment d’une interview du secrétaire général de l’UITP (Union Internationale des Transports Publics) dans laquelle sont évoqués non seulement les progrès qui vont être réalisés en termes de qualité de services à la suite de la pandémie – nettoyage, renforcement de l’offre pour avoir moins de monde par véhicule, accélération de la numérisation,… –, mais aussi les défis à relever au niveau financier et le nécessaire soutien des pouvoirs publics pour assurer leur viabilité.
Cet article ne tient bien entendu pas compte d’un élément typiquement belge, à savoir que, d’une part, le transport en commun est fort utilisé par le secteur public qui, au contraire du secteur privé, ne dispose pas de voiture de société et, d’autre part, le télétravail était peu autorisé dans le secteur public alors qu’il le sera davantage à l’avenir, ce qui aura un impact sur le transport en commun peut-être plus important en Belgique qu’ailleurs.
Par ailleurs, par peur de la contamination et par soucis de ne pas engorger les transports publics, les voyageurs qui le peuvent se sont tournés vers le transport individuel. Le vélo a ainsi fortement augmenté en ville. Et, si je ne dispose pas de statistiques précises en la matière, il est fort probable que ce sont davantage des usagers du transport public qui ont opté pour le vélo que des automobilistes.
Tout cela réuni, il ne fait aucun doute que, sur le moyen terme, le transport public va demander plus de moyens, de budget pour transporter moins de voyageurs. Et la chute de revenus pour les opérateurs n’est pas encore arrivée à son maximum, il est probable que des usagers renonceront à leurs abonnements et engendreront des problèmes financiers supplémentaires pour le transport public.
S’il y a déjà un paradoxe à payer plus pour moins de voyageurs, la situation sera difficilement tenable dans un environnement post corona où tous les secteurs auront besoin de soutien des pouvoirs publics. Il y aura alors les choix tranchés entre laisser en quelque sorte couler le transport public ou le financer massivement en sacrifiant d’autres secteurs. Ou alors une troisième voie qui est celle des économies par une gestion plus efficace.
Et ces questions et défis doivent être dressés aujourd’hui pour ne pas être pris de court demain. Si la STIB pourrait dire avoir besoin de quelques dizaines de millions d’euros en plus pour répondre à cette situation exceptionnelle qui risque de durer, la Région aura du mal à payer et, ce qui est à craindre, c’est que des investissements passent à la trappe pour compenser les pertes d’exploitation. Or, faire cela, c’est hypothéquer l’avenir.
Pour revenir à cette troisième voie, plusieurs options plus ou moins radicales pourraient être envisagées afin de répondre à cette nécessité de trouver davantage de moyens pour transporter moins de voyageurs :
– Recentrer sur le métier de base : transporter des voyageurs. Les applications MaaS et les autres modes de mobilité n’étant pas prioritaires.
– Réduire drastiquement les frais généraux (IT, services d’études, services commerciaux…) et mettre en commun les différentes ventes de titres de transports publics. Il est en effet absurde que le citoyen, avec ses impôts, finance quatre services/systèmes de vente. Y a-t-il par exemple un sens à avoir, à la gare du Nord, un guichet STIB, un guichet SNCB et un guichet De Lijn ? Que Quick ne vende pas du McDonald, c’est normal. Ce sont des sociétés commerciales concurrentes. Mais ici, ce sont tout de même des services publics financés par le même citoyen. Il est par ailleurs anormal, et je l’ai rappelé lors d’une précédente question, que la STIB – et De Lijn fait la même chose – dépense plusieurs dizaines de millions d’euros dans un système de paiement sans contact, par carte bancaire, système incompatible avec les autres opérateurs.
– Réduire les coûts d’exploitation : si comparaison n’est pas raison, De Lijn et TEC ont démontré que la sous-traitance coûte beaucoup moins cher. Par ailleurs, les bus coûtent également moins cher en infrastructure, entretiens et véhicules…
Il s’agit là de pistes de solutions. Les mettre en avant ne signifie pas que nous adhérons à toutes. Si nous sommes favorables à rationaliser des services entre les différents opérateurs, notamment au niveau de la billettique, de l’IT et des applications MaaS, nous sommes convaincus que nous devons continuer à améliorer la qualité du service et encourager la multimodalité, même si peut-être certaines de ces missions pourraient être confiées à un autre opérateur. Enfin, on peut vouloir réduire les coûts d’exploitation mais il ne faut surtout pas négliger l’impact social chez le plus gros employeur public bruxellois.
Compte tenu de ce qui précède, Madame la Ministre, j’aimerais interroger le Gouvernement sur les points suivants :
- La STIB a-t-elle évalué ses besoins à court et moyen termes pour poursuivre ses missions ? Si oui, quels sont ses besoins et quelle réponse a été apportée par le Gouvernement ?
- Le Gouvernement a-t-il demandé à la STIB de prendre des mesures de rationalisation, de renoncer à certains investissements ou projets ? Si oui, lesquels ? Est-il notamment prévu de revoir le plan pluriannuel d’investissements de la STIB ou encore de reporter la gratuité pour les moins de 25 ans et les plus de 65 ans à des jours meilleurs ?
- Avez-vous fait une étude comparative des modèles financiers et de gestion des opérateurs de transport public d’autres entités – plus ou moins proches de nous mais comparables – sur lesquels nous pourrions nous inspirer pour disposer d’un transport public auto-suffisant ? Dans l’affirmative, qu’est-ce qui fait que la STIB coûte si cher aux citoyens en comparaison à d’autres transports publics européens ?
Je vous remercie pour vos réponses.
Marc LOEWENSTEIN
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