Si les pouvoirs publics promeuvent, comme c’est repris dans les différentes déclarations de politique générale, un transfert modal, un changement des comportements en terme de mobilité, à eux de montrer l’exemple et d’imposer à la STIB, De Lijn, TEC et la SNCB de s’entendre sur des tarifs harmonisés et proposer une plateforme moderne facilitant la vie des usagers.
Les mentalités évoluent, les modes de consommation et la technologie aussi, on n’achète plus de CD, on ne loue plus de DVD, mais on s’abonne à Spotify et à Netflix, il faudrait faire pareil au niveau de la mobilité.
À Bruxelles et dans sa zone métropolitaine, malgré l’offre diversifiée, la vie des usagers des transports en commun est rendue particulièrement difficile par la multitude des titres de transport et d’abonnements des prestataires publics et privés. STIB, De Lijn, TEC, SNCB, Villo, Cambio, taxis, Uber, Carasap, Jump, trottinettes, Drive Now, Poppy, Ubeequo, Interparking, Q-Park, Parking.Brussels… Il existe aujourd’hui presque autant de titres et d’abonnements que d’opérateurs. On ne peut que s’y perdre.
Interpellation de M. Marc LOEWENSTEIN, Député bruxellois DéFI, à Mme Elke VAN DEN BRANDT, Ministre, chargée des Travaux publics, de la Mobilité et de la Sécurité routière.
Concerne : L’intégration tarifaire et le développement d’un MaaS à Bruxelles et dans sa zone métropolitaine
Le transfert modal de la voiture privée vers un mode de transport public ou partagé dépend d’abord et avant tout du confort et de son accessibilité. A partir du moment où les transports publics et partagés sont confortables, à partir du moment où les services permettant d’y recourir sont accessibles et faciles à utiliser, l’automobiliste (ou l’autosoliste), s’il en a le choix, sera certainement plus enclin à changer ses habitudes.
Concrétiser l’intégration tarifaire entre les quatre opérateurs de transports publics et développer un Pass Mobilité, un MaaS, une plateforme permettant d’accéder aux différents services de mobilité sans que l’usager n’ait à se soucier de savoir s’il a le bon abonnement constituera une avancée énorme et attendue pour améliorer la mobilité à Bruxelles et dans sa zone métropolitaine.
Aujourd’hui, les pouvoirs publics investissent des milliards dans de nouvelles offres de transport. Un milliard de plus pour le RER, un milliard six cent millions pour le métro nord ou encore 500 millions pour le Brabantnet. Mais rien n’est prévu comme ticket pour le RER, comme ticket pour prendre le Brabantnet jusqu’à la future station de métro Bordet ou la gare de Bordet puis prendre la STIB ou la SNCB. Résultat : De Lijn va jusqu’à la gare du Nord pour éviter que le voyageur ne doive payer deux fois.
Il semble donc plus facile de trouver plus de 3 milliards pour financer des infrastructures autour de Bruxelles que de s’entendre pour créer un abonnement unique ou un ticket unique. Et pourtant, s’il n’y a pas de billet pour prendre le RER ou le Brabantnet et continuer son trajet à Bruxelles, ces investissements sont quasi inutiles.
Or, pour parvenir à cette situation effective d’interopérabilité, il faut que les systèmes des différents opérateurs se reconnaissent entre eux et fonctionnent sur tous les réseaux. Ce confort pour le voyageur permettrait de diminuer les coûts liés à la création de carte, au traitement global des données informatiques, etc.
Cependant, il nécessite de redistribuer les recettes correctement et dès lors de pouvoir différencier quelle partie du trajet revient à quel opérateur.
Actuellement, chacun travaille et investit dans son coin, sans trop se soucier de la compatibilité du produit développé avec ceux des autres opérateurs !
La société Belgian Mobility Card SA/NV, « BMC », a été chargée, dès 2010, en plus de la gestion de la carte MoBIB, de réaliser cet objectif d’interopérabilité des transports publics belges. Et, bien que, pour ce faire, elle dispose d’un budget d’environ 1,5 millions €/an principalement financé par les 4 opérateurs (SNCB, STIB, DE LIJN, TEC), les avancées en termes d’interopérabilité sont minimes.
Dans les faits et techniquement des solutions de ticketing existent et sont déjà partiellement interopérables. Plus encore, il apparait qu’un système interopérable global soit techniquement possible… Pourtant, rien n’avance réellement… Ce qui manque… la volonté politique, d’une part, et, d’autre part, la volonté de négocier entre acteurs de transports publics belges.
Ailleurs dans le monde et plus proche, dans les pays voisins, que ce soit à Londres, Paris ou aux Pays-Bas, le nombre d’opérateurs n’est pas moindre, et différents niveaux de pouvoirs sont impliqués dans la politique de transport. Mais l’on a réussi à réaliser une intégration sous l’impulsion des décideurs politiques.
Le manque à gagner, le refus de se voir imposer un modèle par l’un des opérateurs plutôt qu’un autre, l’impossible concertation approfondie des acteurs et le refus d’accorder à un organisme, BMC ou autre, les pleins pouvoirs de décision font que rien n’avance. Chacun développant son propre logiciel avec des moyens plus ou moins conséquents, avec plus ou moins de réussite.
Et pourtant, cette interopérabilité est très clairement une des priorités énoncées par le panel citoyen qui avait exprimé son souhait de pouvoir bénéficier de transports publics ou privés intermodaux, facilement accessibles via des applications ou des cartes de transports réellement interopérables. Il s’agit donc là de la plus simple expression du respect de la voix des citoyens.
En tant que responsables politiques, nous nous devons de réaliser rapidement une politique de mobilité multimodale, moderne et rationnelle dans notre région et son hinterland socio-économique, et ce, en collaboration – c’est indispensable – avec les autres niveaux de pouvoir et acteurs public ou privés compétents en la matière.
Aujourd’hui, le projet de plan Good Move précise que « La Région s’inscrit dans une volonté de co-pilotage des différents projets suivants avec l’une ou plusieurs des autres entités fédérées : l’intégration tarifaire des services de transport publics ; le développement d’un MaaS à l’échelle métropolitaine ; (…) ».
Pour la bonne compréhension du public, je vous lis la définition reprise dans le projet de plan de la notion de MaaS, « Mobilité as a Service », à savoir « l’intégration et la combinaison de différents modes de transport, publics et privés, au sein d’une plateforme technologique au moyen de laquelle l’utilisateur peut accéder à l’ensemble de l’offre de mobilité intégrée, calculer et gérer les itinéraires les plus efficients pour ses déplacements sur base de critères prédéterminés ainsi que réserver et payer les différents modes de transport ».
Enfin, dans votre déclaration de politique régionale, il est précisé que « La conclusion d’un accord sur l’intégration tarifaire à l’échelle métropolitaine des opérateurs de transport public, y compris avec le fédéral pour l’offre SNCB, est une priorité du début de la législature ».
A la fin de la précédente législature, la commission Mobilité a auditionné les différents acteurs concernés par l’intégration tarifaire. La conclusion que j’ai pu en faire est que chacun estime que l’intégration est un objectif à atteindre, mais que chacun a l’intention de continuer à développer ses outils dans son coin, d’épuiser des budgets et programmes, en espérant sans doute que, une fois développés et finalisés, les autres opérateurs s’y associeront…
Compte tenu de ce qui précède, j’aimerais vous poser les questions suivantes :
- Sur la concertation entre entités et opérateurs régionaux et fédéraux relative à l’intégration tarifaire et à l’interopérabilité :
- Y a-t-il une volonté partagée de la part des ministres de la mobilité de s’associer pour réaliser cette intégration et cette interopérabilité ? Avez-vous déjà eu des contacts sur la question ?
- Y a-t-il une volonté partagée de la part des sociétés de transports publics, à savoir la STIB, De Lijn, TEC et la SNCB, de s’associer pour réaliser cette intégration et cette interopérabilité ou est-ce la course à celui qui aura réussi à imposer son système aux autres ?
- Quelles sont les prochaines étapes ? Quelle est la dynamique actuelle de la concertation si elle a lieu ?
- Sur l’état des discussions des groupes de travail constitués bien avant les dernières élections :
- Est-il prévu de poursuivre le travail entamé ?
- Quelles sont les avancées déjà constatées au sein de ces groupes de travail ?
- Vont-ils continuer à se réunir sous cette législature ?
- Les représentants bruxellois disposeront-ils d’un mandat clair ? Dans l’affirmative, lequel ?
- Sur la position du Gouvernement quant au rôle que BMC doit jouer dans ce dossier :
- Doit-il juste se cantonner au rôle de gestionnaire Mobib ou doit-il devenir un acteur réel de l’interopérabilité ?
- Le Gouvernement est-il favorable à la mise en place d’une autorité commune aux 3 régions et au Fédéral, comme une agence interfédérale ou une banque carrefour, qui se chargerait de la mise en œuvre de ce projet ?
- Quels sont enfin votre agenda et votre stratégie pour la mise en place d’un Maas à l’échelle métropolitaine ? Quels sont vos contacts avec les acteurs publics et privés en la matière ?
Marc LOEWENSTEIN
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