Plusieurs groupes politiques du Parlement (PS-SPA-CDH-ECOLO-GROEN-NVA) ont déposé des textes pour condamner Israël suite aux évènements du 14 mai 2018 à la frontière entre Gaza et Israël.
Dans mon intervention, si on ne peut bien sûr que regretter les morts, je dénonce l’indignation sélective et la manoeuvre électoraliste de certains, ainsi que le refus des déposants de mentionner le Hamas dans le texte alors qu’il a une responsabilité évidente dans la situation actuelle.
Proposition de résolution relative aux violences du 14 mai dans la bande de Gaza (A-683)
Séance plénière du 25/5/2018
Intervention de M. Marc Loewenstein
Avant d’aborder le fond de la résolution, je tenais à remercier notre chef de groupe Emmanuel De Bock pour le travail effectué en coulisse et en commission pour tenter de rétablir un certain équilibre dans le texte qui sera soumis au vote toute à l’heure. Si une majorité des amendements a été soutenue en commission – je pense notamment à l’intégration, qui aurait dû aller de soi pour les dépositaires des différents textes, des références aux résolutions 181 et 1397 de l’ONU concernant d’une part le partage de la Palestine en un Etat juif et un Etat arabe et, de l’autre, l’attachement du Conseil de sécurité « à la vision d’une région dans laquelle deux Etats, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues » –, tous ne sont malheureusement pas passés et je le regrette tant ils avaient du sens. Ils visaient notamment à sortir de cette vision manichéenne du conflit, dressant d’un côté l’oppressé palestinien, sans défense et irréprochable, et, de l’autre, l’oppresseur israélien, surpuissant et sur qui il faut faire peser la responsabilité exclusive. Ces amendements rejetés visaient à pointer et condamner également le Hamas, ce qui n’a pu être possible qu’au détour d’une justification d’amendement et c’est dommage.
Ce que vivent les civils gazaouis est une tragédie qui ne peut laisser personne indifférent. La population qui s’enfonce dans le désespoir avec une situation qui empire de jour en jour, est prise en tenailles entre le bellicisme du Hamas et le blocus israélien. Il est urgent qu’une désescalade s’amorce et que le processus de paix reprenne pour déboucher sur la solution à 2 Etats. Vu les dirigeants actuels, tant israéliens que palestiniens, elle semble aujourd’hui une utopie, un rêve, mais, à d’autres moments de l’histoire, certains rêves sont devenus réalité. Parce qu’on ne fait pas la paix avec ses amis et parce qu’il n’y a pas d’alternative, il faut garder l’espoir et faire tous les efforts possibles pour parvenir enfin à une paix durable dans la région.
Cette résolution porte sur les violences commises le 14 mai dans la bande de Gaza. Si les morts sont ici des morts palestiniens, si l’on est ici face à un drame humain auquel nous sommes tous bien évidemment sensibles – il ne doit y avoir aucune ambiguïté par rapport à cela –, on ne peut juste condamner Israël sans pointer aussi les manipulations et stratégies vicieuses du Hamas.
Cette manifestation a été baptisée « Marche du retour », il ne s’agit donc pas pour les milliers de manifestants de s’approcher pacifiquement de la barrière pour faire entendre leur voix, mais bien de pénétrer en masse en Israël, un Etat qu’ils ne reconnaissent pas. C’est la raison pour laquelle le mur érigé par l’Egypte entre son territoire et Gaza ne fait lui, l’objet d’aucun affrontement.
Le Hamas qui contrôle la bande de Gaza d’une main de fer avait annoncé depuis plusieurs semaines l’organisation de manifestations allant crescendo pour atteindre leur intensité maximale le 14 mai, date de l’indépendance de l’Etat d’Israël et de la Nakba palestinienne.
Pour contextualiser, même si cela n’exonère pas Israël de sa responsabilité, les manifestants ne se réunissent donc pas spontanément ou à l’appel d’un mouvement pacifique mais sont manipulés par le Hamas pour qui la vie des civils gazaouis ne semble pas valoir grand-chose face à l’effet de propagande de leur mort. L’usage des boucliers humains et le sacrifice délibéré de civils fait partie de la stratégie militaire et médiatique du Hamas qui promeut le culte des martyrs dans le système éducatif depuis le plus jeune âge. Cela aussi, c’est important de le dénoncer sans ambiguïté ou complaisance.
C’est pour cela que nous – et quand je dis « nous », j’inclus mes collègues Eric Bott et Joëlle Maison – regrettons que la majorité des membres de la commission n’ait pas souhaité que l’on évoque le Hamas dans le texte ou que l’on condamne et demande également des sanctions par rapport à leurs actes.
Si l’on est en droit de critiquer la politique du gouvernement israélien et de condamner certaines de leurs décisions, parfois même fermement, nous ne pouvons fermer les yeux sur le Hamas, ses intentions et sa gestion de la bande de Gaza.
Par ailleurs, il y a quelque chose qui nous dérange dans cette démarche de certains partis de déposer en urgence un texte au Parlement contre Israël alors que rien n’est déposé pour dénoncer d’autres drames humains dans le monde. A moins de vouloir déposer systématiquement des textes pour dénoncer les atrocités commises partout dans le monde, ce type de résolution n’a pas lieu d’être à Bruxelles.
Ce qui nous dérange profondément, c’est cette indignation sélective, indignation sélective qui pose des questions sur les réelles motivations des uns et des autres alors que d’autres drames, causant bien davantage de victimes, se déroulent au Proche-Orient et qu’il n’y a pas une dynamique et une motivation aussi grande pour dénoncer l’urgence d’agir au niveau du Parlement bruxellois et déposer des textes aussi tranchés.
Certains diront, « oui mais Israel est une démocratie et se doit donc d’être exemplaire ». C’est vrai qu’on attend plus d’une démocratie que d’une dictature. Qu’un écart, qu’une faute n’est pas dénoncée de la manière selon le statut de celui qui la commet. Mais est-ce que ce postulat exonère les dictatures de toute critique, de toute condamnation de leurs politiques et agissements ? Si l’Etat d’Israël avait été une dictature, serait-il passé entre les mailles de cette critique systématique ? Je ne pense pas…
On déplore ici les 62 Palestiniens tués par les Israéliens. Mais pourquoi, s’ils sont si sensibles au sort des Palestiniens, les groupes à l’initiative de ces résolutions n’ont pas réagi avec la même ardeur face au 1.335 Palestiniens morts dans le camp de réfugiés de Yarmouk depuis le début du conflit en Syrie, aux plus de 3.642 qui sont morts au cours des presque sept années de guerre dans tout le pays, tandis que 1.651 autres seraient détenus et plus de 300 sont toujours portés disparus (source : Al Jazeera) ? Pourquoi, plus à l’est de la planète, ne dénonce-t-on pas avec la même ardeur les violences à l’égard des Rohingyas et ne plaide-t-on pas pour suspendre les accords économiques avec la Chine ? Et on peut encore citer bien d’autres exemples de drames humains au travers le monde. N’en déplaise à certains, nous ne trouvons qu’une réponse : parce que l’important n’est pas de savoir qui est tué, l’important est de savoir qui tue…
Il y a d’énormes défis à relever à Bruxelles en termes de cohésion sociale et de vivre ensemble. Lorsqu’on fait 3 pas en avant avec des initiatives de rencontres et d’échanges soutenues par le gouvernement, on en fait 10 en arrière à cause des réactions que peuvent susciter ce type de textes sur les réseaux sociaux et dans la population.
En déposant ce type de textes, on importe, on instrumentalise le conflit israélo-palestinien à Bruxelles. En réaction, certains stigmatisent, font des amalgames. Certains s’identifient aux Palestiniens tandis que d’autres, se sentant menacés par les amalgames Israel/Juif/Sioniste/Nazi, se replient davantage sur eux-mêmes par soucis de sécurité. Et je n’évoque pas la déferlante de commentaires antisémites de cette dernière semaine sur les sites internet et Facebook.
Quant aux demandes de suspension d’accords économiques, de boycott des produits israéliens, demandes pilotées par des associations comme BDS (qui sont loin d’être des enfants de chœur), elles ne sont pas acceptables pour nous. Alors que les résolutions plaident pour un dialogue entre les parties, en rompant par ailleurs des dynamique de coopération, on punit et les Israéliens, et les Palestiniens, on rompt les dialogues, on freine les initiatives qui peuvent davantage rapprocher qu’éloigner.
Pour conclure, nous sommes bien sûr préoccupés par l’enlisement du conflit israélo-palestinien, nous sommes sensibles aux drames humains vécus par les populations civiles de la région. Nous regrettons néanmoins l’indignation sélective et le parti pris par les auteurs des résolutions déposées, l’effet négatif que cela peut avoir à Bruxelles qui n’a pas besoin de ça, qui n’est pas la police du monde et qui n’a pas de compétence en la matière, raisons pour lesquelles nous nous abstiendrons.
Marc LOEWENSTEIN