Lutte contre l’antisémitisme : une occasion manquée par le PS et Ecolo

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Ce vendredi 17 novembre, en séance plénière au Parlement bruxellois, un débat autour de la “Proposition de résolution marquant l’adhésion de la Région bruxelloise à la Stratégie européenne de lutte contre l’antisémitisme et de soutien à la vie juive” a eu lieu. Ce débat a vu le Parti Socialiste et Ecolo, soutenus par le PTB, complètement dénaturer le texte de base au vu des amendements déposés. Le groupe DéFI s’est donc abstenu.

Intervention de Marc Loewenstein (DéFI) sur la proposition de résolution marquant l’adhésion à la Stratégie européenne de lutte contre l’antisémitisme et de soutien à la vie juive

Séance plénière : 17/11/2023

Monsieur le Président, Chers Collègues,

Permettez-moi d’abord de remercier ma collègue Viviane Teitelbaum pour le dépôt de cette proposition de résolution ici, au Parlement bruxellois.

Comme rappelé en commission, ce texte déposé le 30/6/2022 est le pendant régional de motions adoptées, je cite dans l’ordre chronologique

  • à l’unanimité à Uccle par le MR, Ecolo, DéFI, le PS, Les Engagés et Uccle en avant, le 24/3/2022 à l’initiative de la conseillère communale Uccle en Avant, Véronique Lederman,
  • à l’unanimité à Ixelles par Ecolo, le PS, le MR, DéFI, Les Engagés et le PTB, le 19/5/2022, à l’initiative de Viviane Teitelbaum,
  • et à la quasi-unanimité à Forest par Ecolo, le PS, DéFI, le MR et Les Engagés, moins l’abstention du PTB, le 21/6/2022, c’était là à mon initiative.

Rappelons que dans ces conseils communaux siègent également des députés qui sont présents ici et qui voteront donc ici un texte différent.

Rappelons aussi la résolution du Sénat visant à lutter contre l’antisémitisme adoptée en décembre 2018 à la quasi-unanimité (42 pour et 1 abstention).

Cette résolution qui reprenait elle la définition de l’IHRA, tant décriée ici par certains, a été adoptée par tous les sénateurs PS et Ecolo présents. Et il se fait même qu’un des sénateurs ayant adopté le texte au Sénat, siège et défend ici, au Parlement bruxellois, une autre position.

Pourquoi relever tout ceci ici ? Parce que ce que l’on attend de mandataires et de partis politiques, c’est de la cohérence dans leurs positions.

Lors des discussions que nous avons pu avoir sur cette résolution il y a quelques semaines et auxquelles j’ai participé activement en proposant des solutions que le PS et Ecolo auraient du accepter, j’ai relevé ces incohérences manifestes, ce vote à géométrie variable en fonction du lieu où l’on siège.

Il m’a été répondu que certains n’ont pas fait attention à ce qu’ils votaient, n’ont pas lu ou pas bien lu la Stratégie européenne ou encore regrettent leur vote !

Répondre cela, c’est grave.

C’est grave parce que cela démontre que certains mandataires votent des textes sans les lire, sans les analyser sérieusement alors que c’est leur boulot, qu’ils sont payés pour ça.

C’est aussi bien sûr grave au vu du sujet dont il est question. C’est regrettable que, à Bruxelles, au Parlement bruxellois, la lutte contre l’antisémitisme ne fasse pas l’unanimité.

Pourquoi ? Parce que certains partis sont incapables de prendre en considération les dimensions antisémites de l’antisionisme radical.

Et je ne parle pas ici de la critique du gouvernement israélien, je parle d’une critique bien plus profonde et obsessionnelle.

Encore une fois, la définition opérationnelle et non contraignante de l’IHRA, adoptée en 2016 par ses 31 Etats membres de l’époque, dont la Belgique,  vise à aider les gouvernements, les administrations, les forces de l’ordre et la société civile à lutter efficacement contre l’antisémitisme.

Alors que certains ici répètent en boucle que cette définition criminalise la critique d’Israël, la liberté d’expression, la définition est très claire sur le sujet.

Elle prend soin de souligner explicitement que « critiquer Israel, comme on critiquerait toute autre État ne peut être considéré comme de l’antisémitisme ».

Par contre, les exemples illustrant les formes d’antisémitisme comprennent notamment les analogies faites entre les Israéliens et les nazis, les déclarations faisant d’Israel un État illégitime ou celles tenant les juifs comme collectivement responsables des actions de l’État d’Israël.

Je peux donc comprendre, sans pour autant les accepter, les réticences de certains à adhérer à une telle définition parce que, dans la mesure où ils ne se limitent pas à « critiquer Israël, comme on critiquerait toute autre État », certaines de leurs positions les font tomber en plein dedans. Est-ce bien cela qui vous gêne tant dans la définition de l’IHRA ?

Aujourd’hui, la parole se libère de plus en plus et certains mandataires politiques n’hésitent pas à surenchérir et à mettre de l’huile sur le feu.

Certains par des déclarations inacceptables

  • minimisant le pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre,
  • comparant Gaza à Auschwitz,
  • ou encore niant toute légitimité à Israël en évoquant 75 ans de colonisation et en contestant donc la résolution 181 adoptée par l’ONU de 1947 visant à établir un Etat juif et un Etat arabe en Palestine.

D’autres par des publications sur les réseaux sociaux,

  • je pense à une carte d’Israel publiée par un député de cette assemblée, image rapidement supprimée, qui montrait la carte d’Israël fleurie avec la mosquée Al-Aqsa en plein milieu et la mention « Palestine » qui remplace « Israel »,
  • aux publications de deux anciens ministres et personnalités toujours très influentes dans leur parti,
  • aux publications rageuses de certains autres sur Twitter,
  • au slogan génocidaire et niant à Israël le droit d’exister « From the River to the See » toléré et relayé par certains mandataires,
  • ou encore aux grosses bourdes, si on peut encore parler de bourdes, de certains de nos dirigeants, notamment au Fédéral.

Vous me direz que certains se sont excusés, regrettent ou ont supprimé leurs publications depuis lors. Le mal est pourtant fait.

Et si j’évoque ces positions publiques liées à l’actualité au Proche-Orient, c’est parce que cela un impact ici, en Belgique, à Bruxelles.

J’entends souvent certains mandataires rappeler qu’il ne faut pas importer le conflit israélo-palestinien à Bruxelles. Et bien c’est exactement ce que certains font.

Les mandataires politiques doivent être exemplaires. Or, certains, en jouant avec le feu, adoptent un comportement irresponsable et fragilisent notre société en provoquant la colère des uns et la peur des autres.  

Il est tout à fait inacceptable que, dans l’Etat de droit qu’est la Belgique, dans la capitale de l’Europe et de la Belgique qu’est Bruxelles

  • des Juifs se sentent mal à l’aise et en insécurité lorsqu’ils se promènent en rue avec une kippa ou une étoile de David ;
  • des familles juives enlèvent la mézouza placée à l’entrée de leur maison par craintes de menaces, de tags ou autres nuisances ;
  • des enfants juifs se fassent harceler, insulter, voir agresser parce que juif dans des certaines écoles, ne soient pas soutenus et soient souvent forcés de changer d’établissement avec les conséquences psychologiques et pédagogiques que cela cause ;
  • des propos antisémites, antisionistes et négationnistes foisonnent en toute impunité sur les réseaux sociaux.

C’est tout de même interpellant que l’Etat doivent mobiliser, depuis des décennies, la police aux entrées et sorties des écoles juives, lors d’évènements communautaires, devant les synagogues, les centres communautaires, les mouvements de jeunesse.

Pourquoi ? Parce que les menaces contre les Juifs sont bien réelles et se sont malheureusement déjà concrétisées à de multiples reprises.

C’est interpellant et c’est la réalité quotidienne d’enfants qui fréquentent ces établissements et qui trouvent finalement normal d’avoir des policiers en entrant et en sortant de leur école parce qu’ils ont toujours connu ça.

Je l’ai connu il y a 40 ans déjà. Ma fille de 4 ans le vit aujourd’hui au quotidien aussi.

Que vais-je lui répondre quand elle me demandera bientôt pourquoi il y a la police devant l’école ? Que vais-je lui répondre pour qu’elle garde sa sérénité et son insouciance ?

Tout cela n’a absolument rien de normal.

Et parce que les communes ne peuvent mobiliser en permanence la police devant les écoles, la réalité c’est que, depuis des années, des parents doivent payer pour assurer la présence d’un service de sécurité privé pour assurer la sécurité de leurs enfants fréquentant des écoles juives. Idem pour les autres institutions juives. Ce n’est pas sur les familles que cette charge doit peser.

Alors, vous me direz que les enfants peuvent fréquenter l’enseignement officiel, les écoles publiques. Oui….. mais l’on constate que certains parents inscrivent d’abord leurs enfants dans ces écoles publiques et se tournent ensuite vers les écoles juives après une mauvaise expérience et l’incapacité de certaines directions et professeurs de gérer les cas d’antisémitisme.

Voilà la réalité sur le terrain.

Et la tension, la menace, le stress se sont fortement amplifiés depuis maintenant plus d’un mois.

On ne peut pas tolérer que des citoyens belges aient à cacher leur identité pour pouvoir aller à l’école, à l’unif, au boulot, pour se faire livrer une commande à la maison, pour pouvoir tout simplement vivre sans crainte.

S’ils se sentent en danger, il faut les soutenir, d’où que le danger vienne.

Monsieur le Président, Chers Collègues,

Je ne reviendrai pas ici sur la singularité de l’antisémitisme par rapport aux autres formes de racisme. Singularité qui justifie une telle résolution. Je vous renvoie au rapport sur ce point.

Mais rappelons aussi qu’il y a un sens à distinguer l’antisémitisme des autres formes de racismes sans pour autant les opposer et encore moins établir une hiérarchie dans l’importance qu’on leur accorde ou la gravité qu’on leur attribue.

Chaque acte raciste, chaque acte antisémite doit être condamné et sanctionné avec la même force.

Mais il est également essentiel de bien savoir de quoi on parle, de poser les bons diagnostics, sans quoi, on ne peut prodiguer les bons remèdes.

Or, en édulcorant de cette résolution une facette aujourd’hui importante de l’antisémitisme, en se mettant des œillères sur les sources actuelles de l’antisémitisme, certains partis se donnent certes bonne conscience en votant une résolution visant à lutter contre l’antisémitisme, mais ne prennent pas le problème de sa globalité et ne pourront donc pas entièrement le combattre et le solutionner.

Il était essentiel pour DéFI que le Parlement bruxellois se positionne clairement et résolument en faveur de cette « Stratégie européenne de lutte contre l’antisémitisme et de soutien à la vie juive » et la mette en œuvre sur le terrain, ici, à Bruxelles.

Il est malheureux et interpellant qu’ici, à Bruxelles, capitale de l’Europe, son Parlement n’adhère pas clairement à cette Stratégie européenne pourtant adoptée par la Commission européenne et n’adhère pas à cette définition de l’IHRA pourtant adoptée par la Belgique en 2018.

Les manœuvres constatées en Commission pour édulcorer le texte ou ne pas le voter ne présagent rien de bon pour une lutte efficace contre l’antisémitisme.

Alors oui, ce que le texte de la résolution tel qu’amendé propose comme actions est bien sûr positif mais pas du tout suffisant, parce que certains ferment les yeux sur une partie du problème. Raison pour laquelle nous nous abstiendrons.

Et si, comme je l’ai entendu par certains, ça leur est insupportable que les Juifs de Belgique vivent dans la peur, il n’est pas trop tard. Votez contre les conclusions de la commission. Amendez le texte pour le remettre dans son pristin état afin de lutter contre TOUTES les formes de l’antisémitisme.

Il ne peut y avoir de « réserves » ou de « nuances » dans la lutte contre l’antisémitisme.

On ne lutte pas contre l’antisémitisme à la carte.

On lutte contre l’antisémitisme, point barre.

Marc Loewenstein


Texte initial de la résolution (document A-573/1)

Rapport des débats en commission et texte finalement adopté (document A-573/2)

Définition opérationnelle et non contraignante de l’antisémitisme de l’IHRA

Vidéo des débats en séance plénière (mon intervention commence à 2:02:50)

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