Métro 3 Nord-Albert : la tuile du Palais du Midi

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Le chantier du tronçon de 120m sous le Palais du Midi est à l’arrêt depuis mai 2021. Une négociation est en cours entre la STIB et le consortium d’entreprises pour évaluer les coûts et délais des options pour sortir de l’impasse. En résumé : renforcer les piliers de béton via la technique du jet grouting (travail de fourmis) ou passer par le Palais du Midi en rasant tout l’intérieur et en ne gardant (éventuellement) que les façades.

J’ai interrogé la ministre de la mobilité sur différents aspects : responsabilités de cette situation, alternatives, évaluation précise de tous les coûts et délais d’exécution, protection du patrimoine et, bien évidemment, soutien à tous les usagers du Palais du Midi (clubs sportifs, écoles, commerces), soutien aux riverains du quartier et indemnisation des commerçants lourdement impactés par le chantier.

Demande d’explications de M. Marc LOEWENSTEIN, Député bruxellois DéFI, à Mme Elke VAN DEN BRANDT, Ministre, chargée des Travaux publics, de la Mobilité et de la Sécurité routière.

Concerne : Le blocage du chantier du métro 3 sous le Palais du Midi

La presse du 10 février dernier (DH et LLB) nous révélait de sérieux soucis sur le chantier de la ligne de métro 3 au niveau de la future station Toots Thielemans et du tunnel qui doit passer sous le Palais du Midi.

Ce n’est pas nouveau, on sait que cette portion du métro traverse l’ancien lit de la Senne et des terres marécageuses.

Dès le début des travaux en mai 2021, le consortium d’entreprises en charge des travaux (Besix, Jan De Nul Group et Franki Construct) soupçonne que la technique utilisée, à savoir l’injection de piliers en ciment dans le sol afin de garantir la stabilité et l’étanchéité de l’ouvrage, ne fait pas son effet. Conséquence : les travaux sont alors suspendus le temps de régler le problème.

Le chantier ne reprenant pas après quelques mois, la STIB a contacté plusieurs bureaux d’études pour trouver une solution technique permettant de remettre le chantier en marche.

Elle a suggéré au consortium de construire des piliers plus larges, qui descendent plus profondément dans le sol afin de les poser sur un socle suffisamment dur. Le consortium a évalué, en juin 2022, ces travaux à près de 170 millions € pour un délai d’environ huit ans. La réaction de la STIB à ce moment : c’est beaucoup trop cher et trop long. Elle a alors notamment demandé aux entreprises d’appliquer les prix prévus dans les contrats initiaux, moyennant quelques adaptations telles que l’inflation.

Depuis lors cette évaluation budgétaire a, si je ne me trompe pas, quasi doublé. J’espère que nous disposerons de chiffres et de délais plus précis de la part de la ministre dans ses réponses.

Au mois de janvier de cette année, les travaux n’avaient pas recommencé et, à la fin du mois, la STIB a fait signifier un défaut d’exécution. De son côté, début février, l’entreprise a dit refuser la reprise des travaux.

Pour sortir de l’impasse dans laquelle le chantier se trouve depuis mai 2021, 2 options sont présentées :

  • soit le jet grouting, qui a, comme je l’ai dit un certain coût, voir un coût certain, et un délai d’exécution considérable, avec le souhait que l’entreprise revoit le coût et délai des travaux à la baisse… 
  • soit on passe par le Palais du Midi en démontant le toit pour faire entrer les grues à l’intérieur du bâtiment et utiliser la même technique que celle employée sur le reste du chantier, technique par ailleurs utilisée pour construire l’ensemble du métro bruxellois. Nul besoin de préciser que cette seconde méthode qui implique de faire entrer les grues et les excavatrices à l’intérieur de ce bâtiment historique qui abrite des commerces et écoles, et la plus grande salle de sport de la Ville inquiète beaucoup. Le Palais du Midi a une fonction sociale, économique et patrimoniale importante et il faut en prendre toute la mesure.

Opter pour cette solution, c’est, en plus des désagréments considérables causés à ses occupants, toucher au patrimoine bruxellois. Et je ne doute pas que sur ce point, en plus des questions financières et d’agenda, la STIB sera également confrontée à des questions juridiques non négligeables.

La STIB a précisé il y a un mois que le choix devrait dépendre du coût et des délais. Elle attendait pour le 8 mars le retour de l’entreprise générale qui doit évaluer le coût de tels travaux. Elle est aujourd’hui en pleine discussion avec le consortium et prévoit sans doute maintenant de préciser les impacts budgétaires et temporels de ces 2 scenarii au Gouvernement. Nous ne sommes donc pas davantage fixés pour l’instant et j’espère que la ministre pourra nous apporter des éléments d’information.

De son côté, le Gouvernement a mis en cause le consortium qui ne propose pas de solution concrète pour régler le problème technique rencontré alors qu’ils ont été recrutés pour leur expertise. Il a précisé que la solution qui sera choisie devra tenir compte des utilisateurs du Palais et sera décidée en concertation avec la Ville de Bruxelles, les riverains, les associations, commerçants et autres usagers du Palais.

J’en viens à mes questions :

  • Quid de la responsabilité du consortium ? Est-elle aujourd’hui engagée ? Est-ce que des pénalités de retard de chantier sont infligées au consortium ?
  • Est-ce que la responsabilité incombe aux bureaux d’experts qui ont procédé aux études préalables qui garantissait que le sol permettait le coulage du béton ?
  • Pour paraphraser mes deux premières questions : qui est responsable de cette situation très préoccupante ? Le bureau d’étude ? Le Consortium ? La STIB ?
  • Quand avez-vous été mise au courant de ces blocages ? Quelles actions avez-vous entreprises ? Quand le dossier a-t-il été communiqué au Gouvernement ? Pourquoi sommes-nous informés de la situation si tard ?
  • Comment expliquer aux citoyens que les pouvoirs publics ont besoin de 10 ans pour une portion de 120 mètres ? Est-ce vraiment crédible ?
  • Pour ce qui concerne le budget, la STIB est restée évasive dans sa réponse :
    • pourriez-vous nous en dire aujourd’hui plus sur les évaluations budgétaires des différentes options, y compris les dédommagements, et pour l’option Palais du Midi, la reconstruction comprise ?
    • est-ce que les montants supplémentaires seront assumés par la Région ou en rognant sur d’autres projets de la STIB ?
  • Pourriez-vous également préciser les délais de chantier supplémentaires pour les deux options sur la table ? Pourriez-vous y intégrer les scenarii optimistes et pessimistes, y compris les éventuels recours, procédures de permis d’urbanisme et de classement, y compris aussi la reconstruction du Palais du Midi jusqu’à sa réoccupation possible ?
  • Quel est l’impact de cet épineux problème sur le chantier de l’avenue de Stalingrad, sur les riverains et les commerçants ? Qu’est-ce qui est prévu pour répondre à leurs légitimes inquiétudes ?
  • La Ville fait aujourd’hui un important travail de proximité, notamment au travers de l’échevin des commerces Fabian Maingain et du bourgmestre Philippe Close. Quel soutien est apporté par la Région et la STIB à la Ville et, à travers elle, aux riverains, commerçants et usagers du quartier ?
  • Dans l’hypothèse où l’option Palais du Midi était privilégiée, quelles solutions sont proposées pour les riverains, associations, commerçants et autres usagers du Palais ?
  • Dans toutes les hypothèses, quelles seront les solutions d’indemnisation proportionnelle au retard et importants désagréments causés ?
  • Pour ce qui est des options, on parle toujours de deux : le jet grouting et le Palais du Midi
    • J’ai parlé la semaine dernière du tracé alternatif, ou plutôt du tracé historique, proposé il y a des années déjà par feu Claude van den Hove et par Pierre Laconte, tracé sur lequel j’avais déjà interrogé le Gouvernement précédent en 2019.

Je vous pose ici une question théorique à laquelle la STIB n’a pas vraiment répondu : est-ce que, avec les informations dont on dispose aujourd’hui et compte tenu de la situation actuelle, ce tracé alternatif aurait-il été la solution à mettre en œuvre lors du choix initial du tracé ou estimez-vous que le choix opéré de passer sous le Palais du Midi avec les risques que l’on connaissait était le plus opportun ? Si l’on ne peut plus faire le choix de ce tracé alternatif aujourd’hui, le jet grouting ou l’éventrement du Palais du Midi constituent-ils les seules options ou d’autres solutions non encore communiquées pourraient être envisagées ?

Sur cet important dossier du chantier Constitution/Toots Thielemans, j’espère que la ministre pourra m’apporter des réponses à mes questions posées :

  • sur les responsabilités des uns et des autres
  • sur les évaluations complètes des budgets et des plannings des deux options sur la table : jet grouting et Palais du Midi
  • et sur les mesures prises pour accompagner le chantier, venir en soutien des occupants de la zone impactée et indemniser les commerçants.

Enfin, pour rebondir sur l’audition de la STIB et les débats qui ont suivi, quand j’entends certains dire que la meilleure option est celle du démontage du Palais du Midi, comme s’il s’agissait d’une pièce de LEGO qu’on enlève et qu’on remet, parlons plutôt d’éventrement, de destruction de tout l’intérieur du Palais, voir même de l’extérieur puisque rien n’est exclu à cette heure, quand j’entends que c’est une opportunité à saisir pour en faire un bâtiment plus moderne et plus exemplaire ; je peux comprendre l’opportunisme visant à profiter de la situation pour faire rénover par la Région un bâtiment emblématique de la commune mais cela m’interpelle.

Cela m’interpelle pour les commerçants, pour les occupants du Palais du Midi et plus largement pour les riverains qui dégustent et continueront à déguster pendant des années pour certains, tandis que d’autres seront forcés de fermer boutique.

Cela m’interpelle pour le patrimoine, et le fait que la condition de départ permettant de donner le feu vert au chantier Constitution était que l’on ne touchait pas au Palais du Midi.

Et cela m’interpelle encore plus quand j’entends la STIB préciser dans sa réponse qu’elle pourrait demander une dispense de permis pour force majeur.

Prendre cette voie constitue pour moi un déni total de démocratie. C’est rentrer par la fenêtre alors qu’on a trouvé initialement porte close.

La complexité du chantier et du sol est connue depuis longtemps. L’option du Palais du Midi, si elle avait été privilégiée dès le départ, aurait été en effet rejetée par la population. Ma dernière question sera courte mais importante et la réponse devrait l’être aussi : est-ce que demander une dispense de permis pour le Palais du Midi est aujourd’hui une option envisagée par le Gouvernement ?

Je vous remercie pour vos réponses.

Marc LOEWENSTEIN


Voici les éléments repris dans ma réplique, à la suite de la réponse de la ministre :

J’admets que le dossier n’est pas facile mais vous avez été très forte dans votre réponse : 42 minutes d’intervention et très peu de réponses précises à mes questions.

  1. Au niveau budgétaire, où va-t-on chercher les montants pour financer les surcoûts de ce chantier ? A la Région ? En rognant sur d’autres projets de la STIB ? Vous avez évoqué Beliris et les Fonds européens pour le tronçon Nord-Bordet mais pas le financement d’Albert-Nord. Vous avez juste précisé qu’il ne fallait à la fois pas hypothéquer les finances régionales et pas abandonner les autres projets de la STIB. On fait comment alors ?
  • Je n’ai aucune réponse précise sur les coûts et délais des 2 options, scenarios optimistes et pessimistes, reconstruction du Palais du Midi comprise. C’est pourtant une information importante pour décider. Si vous ne pouvez pas nous répondre maintenant, quand le pourrez-vous ? Quand prévoyez-vous la fin des discussions avec le Consortium d’entreprise ?
  • Je vous repose la question que beaucoup de gens se posent : comment expliquer aux citoyens que les pouvoirs publics ont besoin de 10 ans pour une portion de 120 mètres ?
  • Pour ceux qui défendent l’option du Palais du Midi, il ne faut pas non plus vendre du rêve aux commerçants qui vivent aujourd’hui ou qui risquent de vivre un cauchemar. Laisser penser qu’après 5, 8, 10 ans de chantier, les commerçants en sortiront, comme par magie, indemnes et pourrons reprendre leur activité là où elle s’est arrêtée, c’est, au mieux, de la pensée vaudou, au pire, se foutre de leur gueule.

Si la solution choisie est le démontage partiel du Palais du Midi, la STIB devra s’engager à une reconstruction de qualité et un retour des activités et des commerces après les travaux.

Pour DéFI, les décisions d’accompagnement et de support doivent être prises concomitamment à la décision technique de passage à travers le Palais du Midi.

Pour certains, cela pourrait se traduire par des indemnités proportionnelles à leur perte de chiffre d’affaires ou à la suspension de leurs activités, pour d’autres, pour qui la suspension sera fatale à leur commerce, il leur faudrait obtenir un package de fin d’activité.

  • Vous dites au début de votre réponse, Madame la Ministre, qu’il faut des solutions pour reloger les clubs sportifs, non pas dans 5 ans, mais aujourd’hui, dans le quartier. Très bien mais comment et où les reloger à proximité ? 
  • Je ne vous ai pas entendu Madame la Ministre par rapport à ma question sur la dispense de permis… Si ça peut vous aider, je peux déjà vous dire ici que le groupe DéFI n’acceptera pas de voter une ordonnance permettant de contourner une procédure de permis pour ouvrir le Palais du Midi.

Il y a des procédures, elles doivent être respectées. Si vous souhaitez réellement travailler en concertation avec les habitants, une dispense de permis est inenvisageable.

Autant on a pu voter sans problème une telle ordonnance pour l’OTAN, autant la situation ici est incomparable et ne peut bénéficier de cette même procédure accélérée. 


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