En Belgique, il n’existe actuellement pas de couplage entre les données policières et les données hospitalières. Résultat : le nombre de blessés graves est sous-estimé dans une série de cas. Ainsi, la sous-estimation du nombre réel de cyclistes blessés graves rapportée par VIAS montre que la sécurité routière n’a pas évolué aussi positivement qu’annoncé.
La qualité de la collecte de données est centrale. On ne peut pas se satisfaire de données qui donnent une vision déformée de la réalité. Il faut des données complètes et fiables pour mesurer l’ampleur des problèmes, mener les politiques, prendre les bonnes décisions.
Question orale de M. Marc Loewenstein, Député bruxellois DéFI, à Mme Elke VAN DEN BRANDT, Ministre, chargée des Travaux publics, de la Mobilité et de la Sécurité routière.
Concerne : La collecte et le traitement des données issues des comptages de cyclistes et des cyclistes blessés graves
La qualité de la collecte, du traitement et de l’interprétation des données est centrale pour toute organisation.
Lors d’une question posée ici le 5/7/22 sur l’étude du CHU Saint-Pierre sur les accidents de trottinettes à Bruxelles, ma collègue Joëlle Maison s’interrogeait sur la fiabilité des chiffres officiels des accidents à trottinettes ainsi que sur l’affinage de la collecte de données. Dans votre réponse vous aviez indiqué que les bases de données des hôpitaux sont plus complètes que celles de la police.
Récemment, l’Institut VIAS publiait une étude intitulée “Les blessés de la route hospitalisés : Analyse des données hospitalières belges de 2005 à 2020” qui souligne qu’il n’existe actuellement pas en Belgique de couplage entre les données policières et les données hospitalières.
Or, selon VIAS, “ce couplage fournit l’ensemble le plus complet d’informations sur les blessures dues aux accidents de la route et est considéré comme la méthode préférée pour la collecte de données.”[1]
Dans cette étude, VIAS pointe une sous-estimation du nombre réel de cyclistes blessés graves (“la sécurité routière ne s’est pas améliorée autant que ce qui avait été évalué sur la base des données policières. Le nombre de blessés hospitalisés a diminué de 21% entre 2005 et 2019, alors que le nombre de personnes gravement blessées a baissé de 44% dans les données policières”; “Ce sont surtout les cyclistes, les usagers les plus jeunes (0-17 ans) et seniors (65+) qui semblent être sous-représentés dans les données policières. Le nombre de cyclistes gravement blessés dans les données policières doit être multiplié par 7 pour concorder au nombre de cyclistes hospitalisés.”).
Elle indique que plus de 4 blessés graves sur 10 sont des cyclistes (“En 2019, ils représentaient 43% des blessés graves; en 2005, cette proportion n’était que de 27%. Ce sont surtout les plus jeunes et les plus âgés qui sont souvent gravement blessés en tant que cyclistes.”).
Elle reprend également la localisation des blessures, notamment à la tête (40% de tous les blessés graves).
On lit régulièrement dans la presse que le nombre de cyclistes bruxellois a augmenté “de 25% en janvier 2022 par rapport à janvier 2021” ou que le nombre de cyclistes connaît “11% de croissance annuelle depuis 2010”. En septembre 2021, vous avez reçu un prix[2] à Lisbonne pour votre action décidée en matière du vélo ayant mené “à l’augmentation exceptionnelle de plus de 60% du nombre d’adeptes de la petite reine dans la capitale ».
A Bruxelles, la mission des comptages manuels revient à ProVelo depuis 1998. La méthodologie de ces relevés a été revue en 2021[3]. Il existe 17 bornes de comptage automatique. Les chiffres présentés lors des relevés manuels, comme ceux des bornes indiquent une augmentation du nombre de passages de vélos, mais la question de la marge d’erreur doit être soulevée. Nos bornes de comptage ne semblent pas être en mesure de différencier vélos et trottinettes[4].
La fiabilité des données de comptage de passages de vélos sur certaines pistes cyclables a fait l’objet d’une étude dans la ville de Nantes[5]. Certains éléments de cette étude relèvent les dysfonctionnements ponctuels des compteurs qui faussent les données, les données manquantes ou anormalement basses ou hautes qui créent des variations entraînant des biais statistiques pouvant tirer les chiffres vers le haut ou vers le bas lors du calcul des moyennes.
Or, il est important de s’assurer que le nombre de cyclistes n’est pas sous-évalué ou surévalué. On peut sans doute comprendre l’argument selon lequel il y a plus d’accidents parce que les habitudes de mobilité évoluent. Mais cette augmentation ne peut pas suivre la courbe de croissance des cyclistes et des trottinettistes. Il faut donc s’assurer que le risque réel est bien en diminution, comme vous le déclariez il y a quelques mois en commission.
Madame la Ministre, j’en viens à mes questions :
- Comment réagissez-vous à cette étude de VIAS ? La méthodologie de collecte des données des accidents dans notre Région, mais également dans les deux autres régions et au fédéral, va-t-elle être revue pour obtenir des chiffres qui collent davantage à la réalité parfois plus dramatique du terrain ? Le couplage des données policières et hospitalières est-il prévu ?
- Les chiffres précédents d’accidentologie, de 2005 à 2022, sont-ils bien actuellement revus à la lumière des données hospitalières ? Quand seront-ils disponibles ?
- A Bruxelles, des algorithmes permettant la détection d’anomalies, l’analyse de tendances et la prédiction, sont-ils utilisés pour améliorer la fiabilité et l’analyse des données brutes de comptage ? En d’autres termes, les progressions annoncées régulièrement du nombre de cyclistes à Bruxelles devraient-elles, le cas échéant, être revues là aussi à la hausse ou à la baisse ?
Je vous remercie pour vos réponses.
Marc LOEWENSTEIN
Pour découvrir le compte rendu des débats, cliquez ici et choisissez la Commission Mobilité du 08/11/2022. Il est disponible quelques jours après la date du débat.
[1] https://www.vias.be/publications/Gehospitaliseerde%20verkeersslachtoffers/Les_bless%C3%A9s_de_la_route_hospitalis%C3%A9s.pdf
[2] https://www.rtbf.be/article/elke-van-den-brandt-recoit-un-prix-de-la-promotion-du-velo-a-lisbonne-10838857
[3] https://provelo.cdn.prismic.io/provelo/e7545c8b-12ab-4f52-a462-75fb1a21a2ba_observatoire-2021_FR.pdf, voir pp. 32 à 35.
[4] https://www.uat.rtbf.be/article/bornes-de-comptage-de-velos-suivre-la-frequentation-en-temps-reel-11050620