UberFiles : les recommandations

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Suite aux révélations des Uber Files dans la presse, le Parlement a institué une commission spéciale consacrée à l’impact des pratiques du groupe mulitinational Uber sur les décisions prises par le Gouvernement dans le cadre du transport rémunéré de personnes en Région bruxelloise. Cette commission spéciale avait pour mission principale de faire la transparence sur la volonté d’Uber et d’autres acteurs du secteur des taxis d’influencer les décisions des pouvoirs publics, d’examiner la manière dont ceux-ci y ont répondu et d’en tirer les conclusions et recommandations.

La commission spéciale a entendu 17 personnes au cours de 9 auditions : des experts en lobbying et déontologie, le lanceur d’alerte Mark MacGann, des responsables des plateformes et des représentants des chauffeurs, tant des LVC que des taxis traditionnels, l’administration et, pour terminer, Pascal Smet et Rudi Vervoort.

Le Parlement a adopté ce jour 20 constats et 14 recommandations.


Ci-après, mon intervention séance plénière

Mesdames et Messieurs,

Chers Collègues,

Je vais commencer mon intervention au nom du groupe DéFI par quelques remerciements :

  • Merci tout d’abord à toutes les personnes qui se sont succédées lors des auditions organisées par notre commission. Si certaines sont habituées à ce type d’exercice, ce n’était pas le cas de tout le monde.
  • Merci également à la présidente de cette commission spéciale pour la très bonne tenue des discussions, tant au sein de notre commission que du groupe de travail.
  • Merci bien évidemment aussi à nos deux secrétaires de commissions, Olivier Cuvelier et Olivier Ruysschaert, qui ont fait un travail important, tant lors des réunions de la commission et du groupe de travail qu’en coulisse. Le rapport fait pour rappel 461 pages.
  • Merci également aux autres services du parlement pour tout l’accompagnement technique et logistique.
  • Merci enfin aux collègues des différents groupes politiques ayant participé au groupe de travail qui a été amené à préparer les 20 constats et les 14 recommandations soumises au vote de notre séance plénière aujourd’hui.

Je me limiterai dans mon intervention à l’objet de cette commission spéciale, à savoir les pratiques de lobbyings et d’influence. Ce qui ne signifie évidemment pas que mon groupe néglige les problèmes encore persistants aujourd’hui dans le secteur, problèmes qu’il va falloir encore solutionner.

Et pour répondre au PTB, oui Madame Desmet, il n’a pas été constaté de pratiques de lobbying illégales dans le chef d’Uber. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y a pas de pratiques illégales qui ont pu être dénoncées.

Mais, Madame Desmet, chacun son rôle. La justice juge la légalité d’une pratique. Le Parlement établit les responsabilités politiques.

Pour certains ces constats et recommandations ne vont pas assez loin, pour d’autres ils vont trop loin.

Ce qui est certain est que – pour ce qui concerne mon groupe – nous avons veillé à ce que les conclusions soient les plus objectives possibles compte tenu des informations dont nous disposions, compte tenu des faits constatés en Belgique,compte tenu aussi des dispositifs existants, et tout cela, sans se sentir pousser dans le dos pour défendre plus – ce serait le comble – les intérêts des uns ou des autres.

Au sujet des auditions, j’aimerais pointer plus particulièrement un point négatif et un point positif :

  • Mon groupe regrette tout d’abord, alors que nous en avions fait la demande à plusieurs reprises, que le lanceur d’alerte, Mark McGann, n’ait finalement fourni aucun document pour soutenir son audition en commission.

Il a sans doute dit lors de son audition tout ce qu’il avait à dire pour ce qui concerne la Belgique, mais des pièces concrètes, des « files » nous auraient peut-être permis d’y voir encore plus clair sur certains points.

  • A contrario, le groupe DéFI salue la pleine transparence du Secrétaire d’Etat Pascal Smet qui nous a fourni tous les éléments écrits corroborant son intervention orale.

Pour le surplus, le fait d’avoir pu entendre des experts, le lanceur d’alerte, mais aussi des acteurs de l’ensemble du secteur, tant liés aux LVC qu’au secteur des taxis traditionnels, ainsi que l’administration et les membres du gouvernement concernés, nous a permis de nous faire une image suffisamment complète de la situation et de rédiger nos constats et recommandations en connaissance de cause. 

Ce n’est pas une surprise, mon groupe soutiendra bien évidemment les constats et recommandations. C’est bien normal et cohérent puisque nous avons participé activement à leur rédaction, comme la plupart des autres groupes présents en groupe de travail.

J’émets juste ici un autre regret.

Non pas celui l’absence de participation du PTB au travail hors caméra pour arriver à un texte commun, ce n’est ni une grande surprise, ni le genre d’exercice qui l’intéresse et qu’il affectionne. Mais si le PTB avait participé au groupe de travail, il aurait compris pourquoi ses amendements ont été rejetés en commission. Le problème est qu’il recherche avant tout à surfer sur les conflits, à entretenir le chaos et les peurs. Par contre, rechercher de manière constructive des solutions concrètes à des problèmes complexes, jamais.

Ceci dit, mon regret porte plutôt sur les abstentions du MR à 13 des 14 recommandations lors du vote en commission, alors qu’il a participé activement à leur rédaction. D’autant plus qu’il est sans doute favorable sur le fond à 12 des 13 recommandations sur lesquelles il s’est abstenu. C’est dommage et très peu cohérent par rapport à la dynamique constructive qui a régné au sein du groupe de travail. Je comprendrais une abstention symbolique sur l’ensemble, mais une abstention sur chacune des recommandations (exceptée la première) est quelque peu étrange.

Pourquoi voter la première recommandation sur la reconstitution du Comité consultatif des taxis mais s’abstenir sur celle concernant la publication des PV du même comité consultatif ? Le MR est-il réservé sur davantage de transparence ?

Pourquoi s’abstenir sur la recommandation visant à impliquer le Comité consultatif, et donc l’ensemble du secteur, à l’évaluation de l’ordonnance taxi et à l’adéquation entre la législation et la réalité de terrain alors que c’est ce qu’il souhaite ? Est-il réellement réservé sur cette recommandation ?

Pourquoi s’abstenir sur les recommandations liées à la déontologie ? à la transparence ?

… Sans doute que ces abstentions en bloc visent à noyer dans la masse un désaccord sur la formulation d’une recommandation en particulier qu’il n’oserait pas assumer publiquement.

Sur le fond maintenant, j’aimerais revenir sur certains points :

  1. D’abord sur la nécessité de davantage concerter le secteur via le Comité consultatif en cours de constitution.

Il s’agit là d’un point de convergence de l’ensemble des acteurs du secteur du transport rémunéré de personnes. Ce Comité doit redevenir cette instance de dialogue. Il doit être représentatif de l’ensemble du secteur, c’est rappelé dans la recommandation n°1 qui vise précisément l’article 44 de l’arrêté d’exécution de l’ordonnance qui porte sur la nouvelle composition, plus large et représentative, du Comité consultatif. Ses PV doivent par ailleurs être publiés pour plus de transparence. Et il doit enfin être intégré dans le processus d’évaluation de l’ordonnance “taxis” afin de veiller à ce que la législation soit bien en adéquation avec les réalités du terrain. Et il y a encore du travail à réaliser.

  • Pour ce qui concerne la déontologie, il est important de rappeler 
  • que des outils existent et doivent être implémentés, je pense à l’ordonnance de 2017 portant création d’une Commission bruxelloise de déontologie qui a pour mission de rédiger un Code de déontologie pour les députés, 
  • que, si certaines pratiques existent déjà au sein de certains cabinets ministériels bruxellois, le même exercice de codification des règles doit être réalisé au niveau de l’ensemble du Gouvernement,
  • et qu’un dialogue avec les autres assemblées du pays doit se tenir afin de veiller à ce que ces règles déontologiques tendent vers la plus grande cohérence entre elles.

Toujours concernant la déontologie, dans la mesure où il n’a pas été constaté d’irrégularité dans les pratiques de lobbying, où il n’a pas été constaté de pratiques illégales ou inappropriées dans le chef des membres du Gouvernement, il nous paraissait plus sage de s’en remettre aux membres à encore désigner de la Commission bruxelloise de déontologie pour établir les règles à respecter en termes notamment de conflit d’intérêt, de cadeaux ou encore de voyages, plutôt que de d’en fixer les règles nous-mêmes. On aurait pu nous le reprocher.

  • Pour ce qui est de la transparence des contacts avec les lobbys, les recommandations se limitent actuellement à la transparence des instances consultées dans le cadre du processus législatif mené par le Gouvernement.

Etablir un registre bruxellois plus large des lobbys, des groupes d’intérêt, fait partie par ailleurs des réflexions à mener pour l’avenir mais il est essentiel, pour le groupe DéFI,

  • de s’assurer d’une part que le cadre à venir soit adapté à la réalité bruxelloise – on ne peut pas purement et simplement faire sien par exemple le cadre européen – , 
  • que, d’autre part, les règles reprises dans ce cadre soient efficaces et ne soient pas facilement contournables,
  • et surtout, que ces règles n’affectent pas la nécessaire proximité entre le politique et les citoyens.

Par ailleurs, on peut édicter toutes les règles qu’on veut mais il s’agit à notre sens davantage d’une question d’éthique personnelle que de règles formelles à respecter et qui sont souvent difficilement contrôlables.

En politique, on a avant tout besoin d’éthique, de sens de l’intérêt général, d’indépendance et de transparence. 

Enfin, en dehors des pratiques dénoncées dans les Uberfiles et qui ont motivé la création de cette Commission spéciale, toutes ces auditions nous ont aussi permis de mettre en lumière différents types de lobbyings

  • d’un côté, le lobbying positif ou classique visant à défendre ses intérêts. Je pense ici aux rencontres avec les décideurs, à la création de relations de confiance, aux suggestions de modification de législation… Pratiques qui doivent être encadrées mais qui ne sont pas pour autant interdites.
  • de l’autre, le lobbying négatif ou agressif visant à jouer l’homme plutôt que le ballon, visant personnellement certains mandataires politiques ou autres acteurs qui ne partageraient pas les mêmes opinions, à les dénigrer, avec l’effet amplificateur des réseaux sociaux qui amène certains à devoir demander une protection policière et qui pourrait mener à des drames. Il s’agit là de pratiques inacceptables et injustifiables. Je l’ai dit en commission, je le répète ici en plénière.

J’ai dit que, en politique, on a avant tout besoin d’éthique, de sens de l’intérêt général, d’indépendance et de transparence. J’ajoute, en guise de conclusion que, avec plus d’écoute et de respect mutuel, on aurait pu sans doute éviter de nombreuses tensions constatées dans ce dossier.

Pour terminer, un premier travail a été réalisé avec ces 14 recommandations qui seront adoptées aujourd’hui, merci encore aux personnes auditionnées et aux services du Parlement pour leurs contributions et soutiens.

Vous pourrez compter dès demain sur le groupe DéFI qui veillera à ce qu’elles soient bien mises en œuvre.

Marc Loewenstein


Le passage de mon intervention se trouve à 3h05′

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